Les funérailles de l’archevêque Desmond Tutu à peine finies, un incendie ravageait le Parlement sud-africain. Jamais la presse n’avait consacré autant d’articles à la mort d’un des géants de la lutte contre l’apartheid, à part celle de Nelson Mandela, qu’il fallait relater vite l’incendie du parlement. Deux symboles de l’histoire sud-africaine.
Jamais autant d’éloges n’auront accompagnées la disparition d’un homme qui fuyait les honneurs et la pompe du pouvoir pour rester près des siens et partageait leurs souffrances et leurs espoirs. Desmond Tutu, l’homme d’Eglise, fidèle à sa foi, fidèle à la charité chrétienne qui dit que l’on doit aimer son prochain comme soi-même, que l’on doit aider les pauvres et respecter la dignité de tous.
Au pays de l’apartheid, c’était un combat quotidien pour qui n’avait pas une peau couleur de lis et où le moindre soupçon de métissage vous envoyait dans la mauvaise case : non-blanc. Dès la naissance chacun savait à quoi s’en tenir et toute révolte était réprimée sans pitié. Mais aucun régime, aussi totalitaire soit-il n’ a réussi à détecter les petits fissures par lesquelles la colère populaire fini par ouvrir des brèches de plus en plus grandes qui font écrouler les murs de l’arrogance des nantis.
Desmond Tutu savait trouver la faille, s’y glisser, l’agrandir pour faire passer des foules qui le suivaient pour dire leur soif de justice. Celui qui croyait au ciel, voulait aussi que la vie sur terre ne soit plus un enfer pour le pauvre et l’opprimé. L’homme d’église avait toute sa place dans les luttes pour la dignité de tous. A part l’Eglise réformée hollandaise, toutes les églises ont participé à la lutte contre ce régime, et même au sein de cette église qui attendra son synode de 1986 pour admettre que l’apartheid était un péché, des hommes courageux comme Bayers Naudé avait rejoint, bien avant cette date, la lutte contre le régime d’apartheid. Le document Kairos (l’heure est venue) de septembre 1985 était une invitation lancée par des hommes d’église à tous les chrétiens à rejoindre la lutte et un appel à la solidarité internationale pour mettre fin à un régime tyrannique. La force de Desmond Tutu est d’avoir été un rouage essentiel de ce rassemblement et de n’avoir jamais failli à dénoncer ce qui lui paraissait mauvais et contraire à cet engagement.
Aussi quand l’Anc remporta les premières élections libres, que Nelson Mandela devint le premier président noir du pays, que les proscrits d’hier prirent en main le pouvoir, la tentation fut grande de vivre dans l’opulence et le luxe qu’ils estimaient comme un dû. Quand un responsable de l’Anc, à qui on faisait remarquer la marque de luxe de ses chaussures, répondit « Je ne me suis pas battu pour être pauvre », on avait compris que le « gravy train » allait remplir les assiettes de ces dirigeants jusqu’à l’écoeurement. On connaît la suite : scandale des pots de vin pour l’achat de matériel militaire dès 1999 ; scandale du mariage d’une fille Gupta avec l’utilisation d’un aéroport militaire pour recevoir les invités ; scandale de la résidence de Jacob Zuma ; scandales des enveloppes, et sacs Vuitton pour les glisser discrètement, distribuées par les frères Gupta ; scandales des dépenses somptuaires aux frais du contribuable.
La Commission Zondo vient de remettre son premier rapport au Président Ramaphosa et ce rapport est public. Chargée d’enquêter sur le mécanisme de la capture de l’Etat par des individus sans foi, ni loi, les 800 pages de ce rapport démonte ce mécanisme, nomme les responsables de ce pillage des ressources de l’état et fait des recommandations. On y apprend que celui qui était en charge des impôts n’était qu’un escroc conseillé par la compagnie de conseil Bain& Company , que la responsable de la compagnie aérienne SAA, amie de Jacob Zuma, a coupé les ailes de la compagnie dont elle avait la responsabilité en détournant des fonds, que les comptes falsifiés et les fausses factures alimentaient les comptes de sociétés bidons, etc. etc. etc. Pendant que ces nouveaux riches se pavanaient dans leurs somptueuses limousines, les pauvres devenaient plus pauvres, la violence devenait la réponse à la misère, l’espérance d’une vie meilleure un rêve qui s’évanouissait, les jeunes n’avaient plus pour modèle que les chefs de gangs dont l’honneur se gagne et se garde à coup d’armes généreusement fournies par des policiers véreux.
Le Président Ramaphosa est maintenant au pied du mur ; il lui faut agir contre les coupables et prendre des mesures pour regagner la confiance populaire qui a gravement fait défaut à son parti aux dernières élections. L’incendie du Parlement, quelles qu’en soient les causes, prend une valeur symbolique après la disparition de l’Archevêque du Cap.
Publié le mercredi 5 janvier 2022
© RENAPAS
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