La disparition de Georges Bizos, après celles de Denis Goldberg, d’Andrew Mlangheni, accusés du procès de Rivonia, vient de fermer un grand chapitre de l’histoire de l’Afrique du Sud et de la lutte contre l’apartheid. Garder vive la mémoire de ces hommes justes est plus que nécessaire par les temps difficiles que traverse l’Afrique du Sud.
Gilles Porte et Nicholas Champeaux ont réussi à réunir tous les acteurs survivants du procès de Rivonia dans un admirable documentaire : Nelson Mandela et les autres. Deux sont morts pendant le tournage, mais pour clore le film, une scène historique les réunit chez Georges Bizos et ils regardent à la télévision l’annonce de l’élection de Donal Trump.
Les accusés du procès de Rivonia sont à peu près connus du grand public, encore que la présence d’un Indien musulman et d’un Blanc juif en étonne plus d’un, et apprendre que plusieurs étaient aussi communistes, c’est frôler la blague de la fille blanche qui présente son futur mari noir, juif et communiste à ses parents ébaubis. Mais c’était dans des temps très anciens…
Les avocats sont inconnus du grand public, c’est pourquoi la mort de Georges Bizos mérite qu’on s’y attarde. En Afrique du Sud tous les médias lui ont rendu hommage et ont donné la parole à ses proches, à ses amis, à ses collègues du barreau pour brosser un portrait de cet homme d’exception, grand avocat et excellent jardinier.
Né en Grèce, à 13ans il a fui l’invasion nazie avec son père pour trouver refuge en Afrique du Sud, mais jamais il n’oubliera la Grèce et sa culture. Son livre de mémoires, Odyssey to Freedom (2007, relate la plupart des grands procès où il défendait les droits des opprimés. Le régime d’apartheid lui refusa la nationalité sud-africaine et il dut attendre 32 ans pour avoir un passeport et revoir son pays.
Il commença sa carrière modestement en prenant la défense des victimes dans les zones rurales en faisant prévaloir la loi « La loi, c’est tout ce nous avions, la dernier espoir sous l’apartheid ». Brillant avocat, il n’abandonna jamais de plaider pour les victimes de l’injustice.
Il intervint dans de nombreux cas d’enquêtes et procès politiques pour des meurtres commis par les forces de sécurité de l’apartheid, comme le meurtre de Steve Biko, de Neill Agett, d’Ahmed Timol. Il siégea à la commission Vérité et Réconciliation, tout en sachant que sa création était un compromis nécessaire, mais qu’elle n’apporterait pas la justice et il avait exprimé son trouble de voir que des hauts responsables n’avaient pas dit la vérité ou avaient refusé de témoigner.
Il représenta le Legal Resource Centre, pour lequel il travaillait gratuitement, à la Commission Farlam chargée de faire la lumière sur le massacre de Marikana (2012) quand la police tira sur les mineurs en grève, faisant 34 morts et souligna la similarité de ce massacre avec celui de Sharpeville en 1960 quand la police de l’apartheid tira sur des manifestants en faisant 69 victimes.
Lucide et sans illusion, avec ses amis de toujours, il n’a jamais cessé de dénoncer la corruption, les attaques contre l’indépendance de la justice, la brutalité de la police et la lenteur des transformations socio-économiques de l’Afrique du Sud.
Publié le lundi 14 septembre 2020
© RENAPAS
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