Comme dans tout bon scénario de thriller, le mystère qui entoure le départ de Jacob Zuma, avec son lot de fausses nouvelles, de vraies annonces, de portes qui claquent et de silences, met le pays tout entier sur des charbons ardents. Mais quand va-t-il partir ?
Depuis lundi 7 février, l’Afrique du Sud est le théâtre d’un drame national en ne sachant pas comment se débarrasser d’un président de plus en plus contesté mais qui s’accroche à son fauteuil présidentiel, son dernier rempart pour éviter de rendre des comptes à la justice. Cyril Ramaphosa qui lui a succédé à la tête de l’ANC est connu pour ses qualités de négociateur, mais la façon dont il va gérer le Zexit déterminera son avenir politique et celui du pays.
Il doit éviter plusieurs écueils majeurs. Le premier serait de s’aliéner les électeurs de l’ANC qui restent toujours fidèles à Jacob Zuma dans la province du Kwazulu Natal et dans les zones rurales ; Jacob Zuma a peaufiné son image d’homme simple de la campagne. Ainsi que ceux, qui en gravitant dans l’orbite présidentielle, ont engrangé des fortunes colossales et qui savent que le départ de Zuma va tarir le flot de l’argent facile et sont prêts à tout pour que la manne continue à couler, en particulier à sacrifier le parti aux prochaines élections de 2019.
Le second écueil serait de monnayer en secret le départ de Jacob Zuma. Il a formellement démenti cette possibilité en faisant valoir qu’il n’avait pas le droit constitutionnel d’accorder une amnistie pour des faits relevant de la justice. Jacob Zuma doit répondre de 783 chefs d’accusation pour corruption, blanchiment d’argent et racket. L’opinion publique, les contribuables exigent de savoir qui a profité des ressources de l’état, qui a siphonné les fonds publics, qui a pillé les entreprises publiques au point que leurs caisses sont vides et elle exige que justice soit faite et les coupables punis.
Le troisième écueil serait de faire trainer le Zexit et d’accroitre la méfiance des investisseurs qui ont horreur de l’instabilité politique et qui veulent avoir des garanties sur les fonds qu’ils pourraient investir. Cyril Ramaphosa a fait bonne impression à Davos, il est connu du monde de la finance et des affaires, mais il doit montrer ses capacités à sortir le pays du bourbier économique actuel. La grand messe du monde minier, Mining Indaba, réunie au Cap en ce moment, a l’œil fixé sur Cyril Ramaphosa et ne lui fera aucun cadeau pour le moindre faux pas.
Un dernier obstacle à franchir, et pas des moindres, est de trouver le bon moment pour annoncer la nouvelle, un bon timing, comme on dit en bon franglais. Ne pas faire de cachoteries à une opinion publique qui n’en peut plus d’être bernée par des dirigeants qui se moquent de mentir comme de leur premier compte en banque. Jacob Zuma, ancien dirigeant des services secrets de l’ANC en exil, est un maître dans l’art du faire croire, mais cet art est fragile comme les illusions qui se fracassent sur le roc de la réalité.
En annonçant le report du discours à la nation (SONA) du 8 février, puis l’annulation de la cérémonie de la remise de décorations, équivalent de notre légion d’honneur, puis l’annonce de la non présence de la direction de l’ANC, des « top six », retenus « pour d’autres affaires » aux festivités marquant le lancement de l’année du centenaire de Nelson Mandela, l’impatience pour connaître enfin le dénouement frôle l’hystérie collective.
La présence et le discours de Cyril Ramaphosa pour le 11 février au Cap marquant la libération de Nelson Mandela sont attendus dans la plus grande fébrilité. N’a-t-il pas dit hier que la question serait résolue dans les 48 heures ? Son avenir politique, celui de l’ANC et celui de l’Afrique du Sud dépendent de ce qu’il dira ou ne dira pas ce 11 février 2018.
Jacqueline Dérens
Publié le samedi 10 février 2018
© RENAPAS
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