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Meurtres, sexe et élections : où va l’ANC ?

En décembre prochain, les adhérents de l’ANC, à jour de leurs cotisations, choisiront leur président. Celui ci deviendra le candidat pour les élections générales de 2019 comme candidat à la magistrature suprême. Sur fond de scandales et de meurtres, l’Afrique du Sud commence une campagne électorale inédite aux multiples rebondissements.

Ce n’était pas dans les habitudes du plus vieux mouvement de libération du continent africain de se prononcer sur des candidatures individuelles. Celui (il n’y a jamais eu de femmes à la tête de l’ANC) qui devenait président était porté à ce poste par le mouvement tout entier, sans opposition. Les circonstances de la lutte, de la clandestinité n’autorisaient aucune perte de temps. La stratégie et les tactiques à adopter pour abattre l’ennemi retenaient toute l’attention et la réflexion des congressistes.

Avec l’arrivée au pouvoir, la démarche militante s’est diluée dans le marigot des rivalités de factions, à l’étalage des égos surdimensionnés. Certains diront que l’ANC est enfin devenu un parti, un parti comme un autre, dont l’enjeu principal est de conserver le pouvoir une fois qu’il est gagné. Les idéaux de transformation de la société sud-africaine n’ont pas résisté aux attraits les plus vulgaires du pouvoir : la grosse voiture, la belle maison, les vêtements de luxe et tout le clinquant qui va avec.

Depuis 2008 et l’arrivée au pouvoir de Jacob Zuma, le noble édifice de l’ANC, bâti avec le sang, les larmes, les souffrances du peuple sud-africain, s’écroule sous les coups de butoirs des scandales qui se succèdent, de la mise à sac des richesses nationales par un bande de prédateurs. L’ANC n’est plus au service du peuple sud-africain comme l’ont été ses illustres fondateurs et dirigeants, il est devenu, comme les autres mouvements de libération du continent, un parti sans scrupules qui ne recule devant rien pour garder le pouvoir.

Les luttes de factions dans le fief de Jacob Zuma, la province du KwazuluNatal se règlent par les armes. Les meurtres politiques se succèdent, le dernier en date est celui de l’ancien responsable provincial de la ligue de la jeunesse de l’ANC, mort de ses blessures par balles parce qu’il était sur le point de dénoncer un scandale financier. Plus de 80 membres de l’ANC ont été assassinés et le nombre de mort violente s’accroit alors que la nomination des délégués aux prochaines élections de décembre se rapprochent. La justice vient de déclarer les élections de la conférence provinciale du Kwazulu Natal en 2015 « nulles et non avenues » ; cette décision ne risque pas de calmer le jeu car elle pourrait avoir de graves conséquences pour la tenue des élections de décembre.

Les règlements de compte sanglants entre factions ne sont pas la seule façon de se débarrasser des gêneurs, il y a aussi la bonne vieille méthode de la calomnie, version ancienne des « fake news », qui fonctionne bien. Cyril Ramaphosa, vice président de l’ANC et candidat à la succession de Jacob Zuma en a fait les frais récemment. Des pages de journaux ont font état d’au moins huit maitresses couvertes de cadeaux par leur vice président d’amant. Sauf que l’homme a avoué un cas de défaillance de fidélité conjugale, il y a bien des années. Banal et sans intérêt. Il s’agissait bien d’une campagne de calomnies visant à ternir l’image du rival de l’ex-femme de Jacob Zuma, Nksozana Dlamini-Zuma. « C’est une escalade de la guerre sale contre ceux qui travaillent à restaurer les valeurs et l’intégrité de l’ANC et de la société. Il est évident qu’il s’agit d’une opération secrète bien orchestrée pour empêcher ceux qui agissent mal de rendre des comptes » a dit le candidat Ramaphosa, soutenu par le Cosatu et le Sacp.

Devant l’étendue du désastre, la question est ouvertement posée de savoir si l’ANC peut encore être sauvé et retrouver sa crédibilité auprès des électeurs. Des voix, et non des moindres, appellent à l’échec de l’ANC en 2019. C’est ce qu’a clairement dit Kgalema Motlanthe dans un entretien à la BBC il y a quelques jours. Dès 2008, alors qu’il était président intérimaire, après le limogeage de Thabo Mbeki et avant l’élection de Jacob Zuma, il avait prévenu que l’ANC pourrait bien connaître le sort des autres mouvements de libération s’il succombait « à la division, au factionnalisme, au clientélisme ». Aujourd’hui, pour lui, l’ANC est déjà mort, et «  il a besoin de perdre les élections de 2019 pour renaître et redevenir lui-même, car ce serait la seule façon de se débarrasser des éléments corrompus et de laisser le parti à ceux qui veulent le bien–être de la nation ». La résurrection par la destruction ?

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Jacqueline Dérens

Publié le lundi 25 septembre 2017


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