Aucun candidat n’est officiellement nommé, mais plusieurs ont déjà dit qu’ils étaient prêts à prendre la place. La direction de l’Anc à beau taper sur la table pour rappeler la discipline du parti, rien n’y fait, l’empoignade ne fait que commencer.
Jacob Zuma, lui-même, en annonçant qu’il ne serait pas candidat, a clairement indiqué vers qui son choix se porterait en affirmant que le pays était prêt à avoir une femme pour présidente. Et pas n’importe laquelle : Nkosazana Dlamini-Zuma, son ex épouse. Une femme du sérail, plusieurs fois ministre et aguerrie à la pratique politique. La Ligue des Femmes de l’ANC a crée la surprise en annonçant publiquement qu’elle soutenait cette candidature : Nkosazana Dlamini-Zuma « est la candidate de l’Ancwl et personne d’autre ».
Pour la Ligue des femmes, elle est la seule à pouvoir briser ce fameux plafond de verre qui empêche les femmes d’arriver au sommet et de faire avancer parité et égalité pour les femmes. La Ligue des femmes a donc aussi annoncé qu’elle voulait d’autres femmes dans la direction de l’Anc en particulier au niveau du Comité national exécutif ceux qu’on appelle les Top Six.
Mais une autre femme a annoncé qu’elle était prête aussi pour ce poste présidentiel : Baleka Mbete, actuelle Présidente de l’Assemblée nationale. Sa déclaration a fortement irrité la direction de l’Anc qui a rappelé que personne ne pouvait faire candidature et campagne pour diriger le parti et seule la conférence de juin prochain est habilitée à dresser la liste des candidats qui sera soumise au vote des représentants à la conférence nationale du mois de décembre.
Baleka Mbete a donc rétropédalé et s’est livré à une explication de texte alambiquée de la déclaration de la Ligue des femmes pour dire qu’elle était « surprise, mais pas déçue » par le choix de l’Ancwl et que ce choix n’empêchait pas la possibilité d’autres candidatures.
Que ce soit l’une ou l’autre candidate, la vraie question est de savoir en quoi une femme à la tête de l’Anc et du pays va changer la vie quotidienne des femmes sud-africaines. S’il est vrai que les femmes ont fait une avancée remarquable dans le monde politique, elles ont encore bien du chemin à faire pour sortir de la pauvreté, accéder à des postes de responsabilité dans le monde de l’entreprise. Les violences, les viols, les féminicides sont le lot quotidien des femmes dans les townships ; dans les zones rurales, au nom tradition, elles sont nombreuses à être privées du droit de propriété et d’accès à la terre ; le procès d’Oscar Pistorius a montré que les hommes blancs et éduqués étaient prêts a assuré leur virilité par la force.
Le choix de Dlamini-Zuma a beaucoup plus à voir avec une stratégie politicienne que la défense des droits des femmes. Il est révélateur de la lutte des factions au sein de l’Anc. Son éventuelle élection comblerait d’aise son ex-époux, sans compter les nombreux amis de l’actuel président qui ne veulent perdre aucun des avantages dont ils jouissent actuellement. Comme la propulsée candidate reste muette sur ses intentions, on peut imaginer qu’elle sera un rempart contre tout candidat qui annoncerait un grand nettoyage dans les affaires du pays et contre toute attaque de la justice contre son ex-époux.
Une femme présidente ? Thuli Madonsela, l’ancienne médiatrice de la république, dont le travail remarquable lui a valu bien des éloges et qui n’a aucune ambition présidentielle, résume bien la signification de la candidature de Dlamini-Zuma, « l’Afrique du sud est prête pour avoir une femme présidente … mais pas une présidente par procuration…cela serait pire que d’avoir un homme ».
Des hommes candidats, il y en aussi et d’abord Cyril Ramaphosa, l’actuel vice-Président. Sa candidature qui paraissait évidente vient d’être remise en cause par Jacob Zuma et Gwede Mantashe, le secrétaire de l’Anc, qui tous deux disent qu’il n’y pas de tradition qui voudrait que le vice président accède automatiquement à celui de président quand le président en exercice s’en va. Au cours d’une des multiples cérémonies pour marquer le 105ème anniversaire de l’ANC, le secrétaire général a enfoncé le clou « Nous devons élire une direction qui est prête à relever les défis de notre temps. Méfiez vous de ceux qui viennent vers vous et font campagne pour leurs amis », une allusion sans détour à la lutte des factions qui fait rage et risque de s’amplifier jusqu’à l’étape finale, le vote à la conférence nationale de décembre. Toutefois, il a expliqué que ne pas choisir le vice-présidente reviendrait à dire qu’il n’a pas bien rempli sa fonction. Circonvolution pour insinuer qu’il penche pour le vice président.
La centrale syndicale Cosatu a annoncé qu’elle soutiendrait la candidature de Cyril Ramaphosa, un ancien syndicaliste et un négociateur remarquable. Son passage par le monde des affaires ou son rôle présumé dans la tragédie des mineurs de Mariana ne semble pas troubler les syndicalistes. En prenant la parole à un passablement pour le 105ème anniversaire de l’ANC, Ramaphosa a fustigé les dirigeants qui sapent l’unité du parti et qui n’hésitent pas à acheter des votes pour préserver leurs intérêts personnels. Une déclaration de guerre à la corruption qui ravage le parti et le gouvernement. Et il y aussi les candidats plus discrets comme Zweli Mkhize, le trésorier de l’Anc qui a dénoncé les factions qui ruinent l’unité de l’Anc et prêché pour l’unité de l’Anc si celui ci veut encore diriger le pays. La ligue de la jeunesse de l’Anc a donné le nom de son champion, le responsable de l’Anc de la province de l’Etat libre. Mais d’autres listes circulent au grand dam de Gwede Mantashe qui ne voit là que chaos et luttes de factions qui ternissent l’image de l’Anc. Le temps semble bien loin où Oliver Tambo, dont on célèbre le centenaire de la naissance en 2017, fut président de l’ANC pendant 24 ans, de 1967 à 1991, pour céder la place naturellement à Nelson Mandela quand celui-ci fut libéré du bagne de Robben Island.
Jacqueline Dérens
Publié le mercredi 18 janvier 2017
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