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Élections municipales en Afrique du Sud : un test pour l’Anc

Jacqueline Dérens

Les Sud-africains voteront le 3 août prochain pour choisir leurs élus municipaux. L’enjeu est sérieux pour le parti au pouvoir, l’Anc, qui pourra mesurer l’impact des scandales qui ont sérieusement écorné son image de libérateur, et pour les partis d’opposition qui espèrent bien tirer profit des erreurs du parti au pouvoir.

La campagne électorale a déjà eu son lot de violences et des dizaines de meurtres politiques sont à déplorer dans plusieurs provinces, au Kwazulu-Natal et Gauteng où le choix des candidats est devenu un affrontement mortel entre factions. Les relations entre les alliés de l’Anc, Sacp et Cosatu sont difficiles, mais il semble que les désaccords soient mis de côté le temps d’une campagne électorale et chacun a juré de tout faire pour la victoire de l’Anc.

L’Anc sait très bien qu’il peut perdre au moins trois villes emblématiques : Tshwane, la capitale politique, Johannesburg, la capitale économique et l’agglomération urbaine de Mandela Bay, un fief industriel dans la province du Cap oriental. Dans le Gauteng, l’Anc a vu son électorat chuté de 64.04% en 2009 à 53.59% en 2014 et il craint que la classe moyenne urbaine lui fasse défaut et porte son choix sur le DA, l’Alliance démocratique. Certains électeurs noirs, jeunes jouissant d’un revenu confortable, avouent ne pas voir une énorme différence entre les deux partis. Pour Mandela Bay le dysfonctionnement de l’administration locale a fait des dégâts difficilement admissibles pour des électeurs de plus en plus mécontents. Services de santé et d’éducation sont à la dérive. Ce dysfonctionnement des autorités municipales est malheureusement avéré dans au moins un tiers des municipalités.

Dans l’emblématique Marikana qui a été le théâtre du massacre de 34 mineurs par les forces de police le 16 août 2012, l’Anc a perdu tout crédit. Alors qu’aux dernières élections municipales l’Anc avait obtenu 90% des voix, en 2014 pour les élections générales 38% seulement des électeurs lui faisaient encore confiance, un chiffre certainement beaucoup plus faible à la veille des élections municipales car Marikana est devenu un « no go area » pour l’Anc. Le parti qui a su tirer les marrons du feu a été le parti EFF de Julius Malema qui avait alors obtenu 25% des voix et qui espère bien remporter la circonscription la semaine prochaine.

L’Anc qui avait promis »une vie meilleure pour tous » n’a pourtant pas failli si l’on regarde les chiffres officiels, en particulier ceux des Nations unies : en 2002, 62,3% de la population bénéficiaient des services d’assainissement contre 79,5% en 2014 ; pour la même période, l’accès à l’eau courante est passé de 56% à 91% et l’accès à l’électricité de 77% à 85%. Cependant les chiffres sont une chose, la réalité vécue par les habitants une autre. Le robinet est souvent à sec et la facture d’électricité n’est plus abordable pour la population privée d’emploi ou de revenus qui leur permettent tout juste d’éviter la pauvreté.Pour ces élections, l’Anc ne fera pas campagne sur son bilan, car le terrain est trop hasardeux.

.La campagne de l’Anc a pour ambition de gagner « les cœurs et les esprits » en attaquant directement les autres partis. Pour gagner les cœurs rien n’est plus efficace que de faire appel au passé et de rappeler les luttes et les sacrifices des héros de la lutte de libération. Devant le danger d’une désaffection des électeurs, les anciens ont donc repris du service pour convaincre les électeurs aigris que seul l’Anc pourra répondre à leurs espoirs. Il y a seulement quelques semaines encore, ces mêmes anciens fustigeaient l’attitude du Président Zuma et de son entourage. Ce rappel du passé est largement critiqué par la presse qui dit à juste raison qu’il est difficile de faire du neuf avec du vieux.

Le Président Zuma fait campagne pour la conquête des esprits en affirmant qu’il ne faut rien avoir dans la tête pour penser voter pour un autre parti que l’Anc et son discours, rapporté par News24, est catégorique : « vous pouvez être en colère, vous pouvez crier fort autant que vous voudrez. La réalité, c’est que le peuple de ce pays sait que l’Anc s’est battu pour sa libération » et d’ajouter, pour parler de ses adversaires du DA « Ne vous trompez pas. Je veux être clair parce que nous avons la mémoire courte. Ils sont les rejetons du Parti National. Ils ont la même haine. Ils sont convaincus que les Noirs ne peuvent pas diriger le pays…Comment pouvez vous voter pour des gens qui ne vous connaissent pas et que vous ne connaissez pas ? ». Cet appel, qu’il faut bien qualifié de raciste, a été amplifié par la controverse de l’utilisation de l’héritage de Mandela par le parti DA qui n’a pas hésité à utiliser le visage et la voix de l’icône dans une publicité télévisée.

La famille Mandela a réagi avec colère à ce qu’elle estime être « une insulte, un affront à son histoire, au parti de son choix, à son héritage et les valeurs qu’il défendait » et de fustiger un parti qui a pour seule raison d’être le maintien des privilèges de la population blanche. C’est oublier que le DA, par une politique habile menée sous la direction de Msusi Maimane, un jeune dirigeant noir à la vie privée irréprochable, a réussi à attirer une frange non négligeable d’électeurs noirs et que tous les sondages montrent son irrésistible ascension.

Le passé de l’Anc, pour glorieux qu’il fut, ne peut pas servir de programme électoral et les électeurs choisiront ceux qu’ils jugeront les plus aptes à gérer le quotidien de la vie de leurs concitoyens. Ces élections locales seront un vrai test pour mesurer le rapport des forces politiques dans le pays un an avant la conférence nationale de l’Anc et les élections générales de 2019.

Publié le jeudi 28 juillet 2016


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