Le stade d’Orlando à Soweto avait changé de couleur ce vendredi 30 avril : au lieu du noir, vert, or, couleurs de l’Anc, il était rouge flamboyant des salopettes et t-shirts des supporters de Julius Malema venu annoncer le programme de son parti, EFF, les Combattants de la liberté économique, pour les prochaines élections municipales du 3 août 2016.
Juju n’a pas déçu son public : entre promesses d’une vie meilleure pour les plus pauvres, l’invective envers le gouvernement de l’Anc et les trouvailles de vocabulaire comme « sleepists » pour désigner les députés qui font un petit roupillon au Parlement au lieu de faire leur travail, le discours n’a pas faibli pendant deux heures.
Après ses propos incendiaires tenus à la télévision AlJezeera où il avait dit que son parti se débarrasserait du gouvernement actuel « à la pointe du fusil », il a défié l’Anc, Jacob Zuma ou la police de venir l’arrêter pour « haute trahison ». Devant 40 000 supporters enthousiastes, il a réaffirmé que son parti était prêt à se défendre devant la violence gouvernementale. Des propos qui dépassent peut-être sa pensée, mais qui résonnent douloureusement et étrangement dans un pays qui vient à peine de sortir de la terreur imposée par le régime d’apartheid.
Avec la même fougue guerrière, il a brandi le livret contenant les propositions de son parti en disant « ceci est votre arme. C’est de ce fusil dont je parle. Prenez le et tirez leur dessus ». Et les balles contenues dans ce manifeste sont les propositions réunies après avoir écouté les revendications populaires. Julius Malema a pris soin de préciser qu’elles ne sont pas celles du parti EFF. Une manière de se dédouaner si les promesses ne sont pas tenues.
Et quelles sont ces revendications ? La lutte contre la corruption et l’amélioration de la vie quotidienne, finalement ce que l’on retrouve dans les manifestes de l’Alliance démocratique et de l’Anc. Mais l’art oratoire de Julius Malema leur donne la couleur de la vie, la vraie vie des townships. Une maison ? Oui, avec deux chambres pour préserver l’intimité des parents. Des conseillers intègres ? Oui, « un conseiller sobre et qui ne pisse pas dans la rue devant les enfants et qui aime lire ». La question de la terre ? « Nous ne chassons pas les Blancs, mais nous disons que vous en avez trop et 80 % de cette terre nous appartient ».
Pour les prochaines élections, il n’y a que deux partis qui comptent : le parti EFF et l’Anc ; les autres sont des partis « Mickey Mouse ». Julius Malema veut un adversaire à sa taille, pas de combat de David et Goliath, mais un combat entre rivaux de même poids. C’est peu aimable pour l’Alliance démocratique qui est quand même le second parti du pays, franchement méprisant pour les autres partis, et prétentieux vis-à-vis de ce poids lourd de la lutte de libération, même affaibli, qu’est l’Anc.
Pour bien faire passer le message de la force qui va tout emporter sur son passage, des motards ont paradé dans le stade, alors qu’un hélicoptère trainant une banderole a survolé la foule noyée dans les fumigènes rouges. Un spectacle pour des vainqueurs. Le fringant leader a d’ailleurs prévenu la Commission électorale indépendante de ne pas tripoter les résultats. Est à dire que si son parti ne gagne pas les élections, il prendra les armes ?
Seulement, entre la flamboyance d’un spectacle bien réglé et des élections démocratiques qui auront lieu dans trois mois, beaucoup d’eau passera sous le pont. L’Anc et ses alliés Cosatu et Sacp ont réuni leurs troupes pour des défilés et rassemblements du Premier mai avec un seul mot d’ordre : votez Anc.
L’Anc et ses alliés ont bien compris que les élections municipales seront un tournant dans la vie politique du pays et que la perte de confiance dans le gouvernement actuel ne se regagnera pas facilement. Le Président du Cosatu a bien vu la situation avec les dernières phrases de son discours du 1er mai. « Il est facile d’être les héros des médias, mais il est difficile de regagner le terrain politique perdu et le pouvoir étatique perdu. Parlez-en à nos camarades du Cap occidental (la seule province dirigée par l’Alliance démocratique). Ne faisons pas d’erreur en pensant que l’Anc peut perdre et regagner le pouvoir politique. Nous appelons notre peuple à se lever et à empêcher ce pouvoir politique de revenir à nos anciens colonisateurs. Travaillons à corriger notre ANC ».
Publié le mardi 3 mai 2016
© RENAPAS
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