Dans une grande salle de la mairie d’East London, le 15 avril 1996, Monseigneur Desmond Tutu ouvrait solennellement la première audition de la Commission Vérité et Réconciliation. Les horreurs du système d’apartheid vont être exposés au grand jour pendant plus de deux ans et consignés dans les nombreux volumes du rapport remis au président Mandela en octobre 1998. Pourtant tout n’a pas été dit et des victimes attendent encore de connaître la vérité.
La commission (TRC) n’était pas un tribunal, ses dix-sept commissaires avaient pour mission d’écouter victimes et bourreaux et d’accorder l’amnistie quand ces derniers exprimaient remords et regrets et que leur action s’inscrivait dans la politique d’apartheid. Plus de 7000 demandes ont été entendues, la TRC a accordé environ 1000 amnisties.
La TRC n’avait rien à voir avec le tribunal de Nuremberg et elle était nécessaire pour réconcilier une nation qui avait été plusieurs fois au bord de la guerre civile et pour éviter toute idée de revanche. L’idée était de connaître la vérité pour reconstruire des vies détruites et éventuellement pardonner.
Mais ces intentions généreuses ont achoppé sur plusieurs obstacles. Des victimes ont refusé la logique de la TRC et exigent que les bourreaux soient jugés pour leurs crimes ; des violations graves des droits humains n’ont pas été examinés ; des bourreaux ont refusé « le cirque » de la TRC, comme l’avait surnommé l’ancien président P.W Botha qui a toujours refusé de prononcer la moindre excuse ou de verser la moindre larme de « vieux crocodile ».
Sur 300 cas qui n’ont pas obtenu l’amnistie et qui devaient être transférés devant la justice, la plupart reste toujours impunis, ce qui a fait dire à Desmond Tutu que la TRC était « une affaire non terminée ». Des cas de disparition comme celui de Nokuthula Simelane, enlevée et morte sous la torture en 1983 et dont le corps n’a jamais été retrouvé, ou celui de Neill Aggett, un syndicaliste blanc mort aussi sous la torture dans un commissariat de Johannesburg. Le procès des meurtriers de Nokuthula Simelane va enfin s’ouvrir au mois de juillet prochain ce qui redonne espoir aux nombreuses familles qui ignorent encore tout sur les conditions de la mort de leurs proches.
Ce qui semble clair pour un ancien commissaire de la TRC, c’est le manque de volonté politique de faire toute la lumière sur ces meurtres non élucidés. La question reste ouverte de savoir qui a collaboré avec l’ancien régime et s’il y a une forme tacite de collaboration avec le nouveau régime pour éviter de faire des révélations embarrassantes pour les uns et les autres. C’est ce que dit Marjorie Jobson, directrice de Khulumani Support Group, une ONG qui apporte son soutien aux survivants et victimes de l’apartheid.
Au cours d’une cérémonie pour commémorer le début du travail de la TRC, Khulumani Support Group a fait une déclaration pour remercier tous les commissaires pour le travail accompli et avoir fait connaître à tous les Sud-Africains et au monde entier l’horreur des crimes de l’apartheid, mais aussi pour attirer leur attention sur les manquements du processus et admettre que des victimes attendent toujours la vérité et la justice. Khulumani rappelle que 20 ans après, la majorité des victimes survivantes et leurs familles attendent toujours les réparations financières qui devaient leur être fournies par le Fonds présidentiel.
Au nom de ces victimes, Khulumani Support Group annonce le lancement d’un Fonds pour les victimes, Khulumani Victims’ Trust Fund,et demande à tous ceux qui ont contribué au succès de la commission, à tous les Sud-Africains et à tous ceux qui dans le monde ont applaudi au travail de la TRC de verser leur contribution financière « pour combler les vides laissés par la TRC et contribuer ainsi à amener le voyage de Commission Vérité et Justice à son terme avec succès ».
Jacqueline Dérens
Plus d'informations : khulumani Support Group
Publié le samedi 16 avril 2016
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