La décision du juge Siraj Desai de déclarer « illégales, nulles et non avenues », les retenues sur salaire de quinze plaignants est un pas très important pour mettre fin à une pratique qui piège les plus pauvres dans la spirale de l’endettement.
A l’annonce de la décision du juge, c’était l’euphorie à la Haute Cour de justice de la province du Cap occidental. La plainte commune défendue par LAC, Legal Aid Clinic de l’université de Stellenbosh, qui apporte une assistance juridique aux plus démunis, contre l’officine Flemix & Associates qui se chargent d’envoyer les EAO , « emolument attachment orders » aux employeurs, les retenues sur salaires, pour payer les emprunts fait auprès de prêteurs, a mis au grand jour le scandale d’un système archaïque et illégal.
Plus connu sous le nom de « garnishee system », ce système permet à des prêteurs de gagner beaucoup d’argent sur le dos des plus pauvres. Pour boucler les fins de mois, quand le salaire ne permet pas de faire face aux dépenses courantes, il y a toujours un prêteur prêt à faire une avance pour payer le loyer, la note chez l’épicier, le billet de bus ou l’achat d’un médicament. Mais le prêt est soumis à un taux d’usure astronomique 20 ou 25% de la somme prêtée !
Les emprunteurs sont des mères chef de familles, des veuves avec enfants, des mineurs, des ouvriers agricoles, des domestiques dont les salaires sont notoirement insuffisants pour vivre décemment. Si les mineurs de Marikana ont demandé le doublement de leurs salaires, c’est parce qu’ils ne pouvaient plus faire vivre leurs familles avec aussi peu d’argent.
Dans tous les townships et bidonvilles, il y a des prêteurs qui attendant leur proie. Ces emprunteurs pauvres n’ont pas d’autre choix et ensuite vivent avec la hantise de la retenue sur salaires qui peut amputer un salaire de moitié, voire l’engloutir complètement.
Car il n’y a pas de limites à la retenue, le patron retient la somme demandée par le créancier sans se poser de questions, sauf exception. L’emprunteur n’ aucune possibilité de vérifier sur la somme demandée est la bonne et aucune possibilité d’aller plaider sa cause directement car les officines de recouvrement des dettes sont toujours très éloignées de son lieu de travail ou de résidence. Les bureaux de Flemix & Associates sont installés dans la province de l’Etat libre, les emprunteurs sont éparpillés sur tout le territoire sud-africain. Quand on n’a pas d’argent pour prendre le train et que l’on ne parle pas l’anglais, bien difficile de s’adresser à un homme de loi !
Le juge a contesté la validité constitutionnelle de ces retenues sur salaires qui ne sont soumises à aucun contrôle légal et sont laissées à l’entière volonté des créanciers. Il dénonce « un cycle de dettes, d’ où il n’y a pratiquement pas de moyen de sortir, car les emprunteurs illettrés deviennent les victimes de la pratique de prêteurs prédateurs ».
Le juge Desai demande aussi à la Commission pour les droits humains et la Société des Juristes de s’emparer de son jugement pour « prendre les moyens appropriés pour faire connaître leurs droits aux emprunteurs ». Le Black Sash , une organisation de femmes, a salué cette décision comme une grande victoire pour les pauvres. Les directions provinciales de l’ANC et du Cosatu ont également salué ce jugement qui dénoncent « ces pratiques corrompues et immorales qui n’ont pas de place dans la société démocratique de l’Afrique du Sud”.
Publié le lundi 13 juillet 2015
© RENAPAS
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