Pour satisfaire à la tradition qui veut que l’on fasse le bilan de l’année écoulée, avant de faire des vœux pour la suivante, disons le tout net : 2014 n’a pas été une bonne année pour l’Afrique du Sud. Les scandales se sont succédés dans un climat politique délétère et les festivités pour marquer les vingt ans de démocratie n’ont pas réussi à masquer les graves difficultés de la vie quotidienne pour des millions de Sud-Africains.
Le scandale de la rénovation de la résidence du président Jacob Zuma a fait les gros titres des journaux, aiguisé le crayon des caricaturistes et enflammé l’opinion publique. Comment justifier les millions de rands dépensés pour de soi-disant travaux de sécurité qui en fait se sont révélés de somptueuses dépenses pour le président et sa nombreuse famille ?
Le procès d’Oscar Pistorius, l’athlète à la gâchette facile, qui a mobilisé tous les médias du monde à réussi à escamoter l’essentiel : l’horreur des violences faites aux femmes dans un pays où 7 femmes meurent chaque jour sous les coups de leur compagnons et la police enregistre 154 viols par jour. Discuter de la peine infligée à un homme riche, blanc et célèbre pour le meurtre de sa compagne reste un propos trivial alors que les femmes sud-africaines qui vivent dans les townships n’osent pas aller aux toilettes la nuit, faute de sanitaires publics dignes de ce nom.
Les entreprises publiques ont accumulé les grèves et les dysfonctionnements : les services postaux ont connu des mois de grèves, la radio télévision nationale SABC a bien du mal à trouver une direction capable de faire son travail et Eskom, la compagnie nationale d’électricité n’arrive pas à assurer une production suffisante pour les besoins du pays. De délestage en coupure de courant, les consommateurs sont régulièrement plongés dans le noir et les entreprises doivent gérer comme elles peuvent des arrêts de leur production.
2014 a été l’année des élections générales, élections qui ont marqué le recul électoral de l’Anc et l’apparition d’une nouvelle opposition avec l’entrée au Parlement des élus du parti des Combattants de la liberté économique de Julius Malema. Les bérets et les salopettes rouges font un peu tâche dans l’enceinte parlementaire où les honorables élus portent costumes-cravates pour les messieurs et tailleurs ou robes traditionnelles pour les dames. Surfant sur la vague des promesses non tenues et des déceptions grandissantes des électeurs qui avaient mis toute leur confiance dans le mouvement de libération, le parti EFF multiplie provocations et déclarations fracassantes.
Ces élections ont aussi marqué une rupture au sein de la triple alliance qui liait l’Anc, le Parti communiste sud africain et le Congrès des syndicats Cosatu depuis 1990 dans une volonté commune d’en finir avec le système d’apartheid. Le syndicat des métallurgistes, le Numsa, qui n’est plus du tout d’accord avec la politique menée par le gouvernement avait décidé de ne pas mener campagne pour l’Anc et de ne pas verser sa contribution financière.
La rupture qui couvait depuis des mois est devenue définitive avec l’expulsion du Numsa du Cosatu le 8 novembre. Depuis d’autres syndicats menacent de rejoindre le Numsa et réclament la tenue d’un congrès extraordinaire pour mettre à plat tous les problèmes qui rongent le Cosatu : coupure avec la base des syndiqués ; diminution du nombre de syndiqués ; corruption, régulièrement dénoncés sans que la direction actuelle change le cours des choses.
L’annonce le 11décembre de la création d’un Front uni regroupant diverses associations et personnalités, comme Ronnie Kasrils, ancien ministre et membre de l’Anc, pourrait bousculer le paysage politique et être l’annonce d’une opposition plus crédible à la politique néo libérale de l’actuel gouvernement que les partis d’opposition siégeant au Parlement.
Il faudra attendre 2015 pour voir si ce Front uni, qui rappelle le Front démocratique uni des années glorieuses de lutte contre l’apartheid trouve un écho dans une population toujours divisée entre très riches blancs et très pauvres noirs à l’exception de quelques richissimes noirs et quelques pauvres blancs.
Vingt ans après l’arrivée au pouvoir de l’Anc et de l’élection de Nelson Mandela à la présidence de la République d’Afrique du Sud , il reste encore bien des collines à gravir pour faire de la nation arc-en-ciel un pays véritablement uni, non-racial et non-sexiste. L’année qui vient apportera peut-être de bonnes nouvelles pour aller dans cette direction, les bonnes volontés et les talents ne manquent pas dans ce pays étonnant.
Jacqueline Dérens
Publié le mardi 23 décembre 2014
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