Cet article de Rebecca Davis sous le titre Coughing for Gold est paru dans The Daily Maverick et a été repris par nos amis britanniques d’ Actsa.Les extraits traduits ici montrent les conditions de travail et de vie des mineurs dans la province du Cap oriental, conditions qui n’ont guère évolué et qui sont la toile de fond du drame de Marikana, quand la police a tiré sur les mineurs qui manifestaient pour demander des augmentations de salaires.
Twala vit à Qunu, en Afrique du Sud, le village dans la province du Cap oriental qui a vu grandir le citoyen le plus célèbre du pays. La propriété où Nelson Mandela a passé la fin de sa vie s’étend à quelques kilomètres de la colline où se trouve la maison de Twala. Mais la promesse d’une vie meilleure pour laquelle Nelson Mandela a lutté, n’est pas encore une réalité pour Twala et beaucoup de ses semblables qui vivent dans cette province rurale pauvre.
En 1982, à l’âge de 27 ans, Twala a signé un contrat avec le Bureau de l’emploi d’Afrique (TEBA) qui est l’agence de recrutement pour l’industrie minière du Witswatersrand depuis 1902. Twala est l’un de ces innombrables hommes de la province du Cap oriental qui ont tenté leur chance dans les mines depuis un siècle. Cette province est qualifiée par l’industrie minière de « zone de main-d’œuvre migrante ».
Twala a été envoyé dans la mine alors connue sous le nom de « Puits nord de la zone ouest », une mine d’or et d’uranium, à 40kimomètres de Johannesburg, qui fonctionnait dans les années 1960. Twala, alors jeune et vigoureux fut embauché comme foreur : un travail connu pour être l’un des plus difficiles, car il expose le mineur à des conditions de travail dangereuses et très pénibles. En plus de la chaleur, de l’humidité et de la menace des chutes de pierre, le forage de la roche produit une épaisse poussière.
« C’était un boulot difficile. J’étais très costaud à l’époque. Cette machine à percer que j’utilisais …eh bien il y en avait, ceux qui n’étaient pas costaud comme moi, qui ne pouvaient pas faire ce travail ».
Au bout de dix ans au fond de la mine, Twala a commencé à ressentir une douleur dans la poitrine : « quand je voulais tousser, c’était sec ». Le médecin de la mine a diagnostiqué une silicose en 1991, mais Twala a continué à travailler encore pendant trois ans. En 1994, il a quitté la mine. Il voudrait bien continuer à travailler parce qu’il a besoin d’argent, mais il est revenu dans son village à cause de la violence dans les hostels, ces dortoirs pour mineurs.
1994, c’est l’année où le plus célèbre enfant de Qunu est devenu le premier président noir d’Afrique du Sud. En dépit de la vague d’optimisme qui a déferlé sur le pays avec l’avènement de la démocratie dans le pays, les habitants de Qunu sont toujours désespérément pauvres. Le taux de chômage est de l’ordre de 70% aujourd’hui. Twala cherche toujours du travail, mais il a un gros problème. Ancien mineur, il ne sait faire que des travaux de force et ses poumons sont abimés.
A 60 kilomètres de Qunu, de l’autre côté de Mthatha, la grande ville de la région, il y a un village, Mafusini. C’est là dans ces collines vertes et ondoyantes que vit dans une modeste maison traditionnelle, une rondevel, Mashunyana Mshiywa, un homme de 61 ans.
Mashunyana Mshiywa a fait le voyage vers la mine en 1970, il n’avait que 18 ans, pour travailler dans une mine d’or, la mine President Steyn, dans la province de l’Etat libre d’Orange( aujourd’hui, la province de l’Etat libre). Son travail consistait à charger les wagonnets avec le minerai. Ses souvenirs sont amers. Au bout de huit ans à travailler au fond de la mine, il est tombé malade.
« J’ai commencé à tousser, à attraper des rhumes, à avoir mal dans la poitrine » se rappelle Mashunyana Mshiywa, qui s’exprime en Xhosa et a besoin d’un traducteur. Il fait très chaud et l’ancien mineur est assis à côté d’un petit buffet dans la hutte étouffante. Sur le buffet il y a un casque de mineur, pour lui rappeler l’ancien temps. Il essuie son visage : « même un jour comme aujourd’hui, j’ai un rhume ». En 1978, il a passé trois mois à l’hôpital pour un problème de poitrine. Depuis, il a des ennuis avec sa poitrine et ses poumons.
« Le médecin de la mine m’a dit que j’avais de la poussière dans les poumons et ce qu’il pouvait faire de mieux, c’était de me donner un masque pour travailler ». Mais Mashunyana Mshiywa affirme qu’il n’a reçu ce masque qu’en 2005 « C’était trop tard, la poussière était déjà là, dans mes poumons ».
Mashunyana Mshiywa a travaillé 37 ans à la mine. Il fouille sous le matelas de son lit et en tire un dossier cartonné bien usé : son dossier médical. Il tourne les pages et il arrive au 3 juillet 1992 et il lit la note rédigée de la main d’un docteur : « douleurs dans tout le corps et sensation de froid. Douleur à la poitrine et toux. La poitrine siffle. De la température ». Et tous les ans le médecin écrit la même chose : de toux et douleur dans la poitrine.
Mashunyana Mshiywa sort un autre document : son dossier médical des services de santé de la province du Cap oriental. On peut lire qu’à partir de 2010, il est traité pour une tuberculose. Comme il souffrait de silicose, ses poumons étaient encore plus vulnérables et cela a favorisé le développement de la maladie. Le taux de prévalence de la tuberculose est le plus élevé au monde chez les mineurs sud-africains. On trouve des malades comme lui partout dans la province du Cap oriental…
…Mashunyana Mshiywa n’a pas reçu un sous d’indemnités pour sa santé défaillante. « Ils m’ont dit qu’ils allaient me donner de l’argent, mais je n’ai encore rien vu. Je suis allé à Joburg en 2012, à la Chambre des Mines et j’ai signé des papiers, ils ont pris mes empreintes digitales et ils m’ont promis que je serai payé. Mais je n’ai toujours rien vu ».
Mashunyana Mshiywa a perdu espoir de recevoir cet argent. Il a huit enfants et deux petits-enfants. Il a très peur que ce cycle de pauvreté oblige ses enfants et ses petits-enfants à faire comme lui un jour, à prendre le chemin de la mine comme il l’a fait il y a plus de 40 ans pour trouver du travail.
« Vraiment je ne leur conseille pas d’y aller et je serai malheureux s’ils travaillent à la mine. Mais c’est notre lot et il n’y a pas d’emploi, il n’y a vraiment pas le choix pour eux, à part la mine ».
Traduit par Jacqueline Dérens
Plus d'informations : The Daily Maverick
Publié le mardi 22 avril 2014
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