Un projet d’expansion du secteur énergétique nucléaire, évalué à plus de mille milliards de rands, aiguise les appétits de grandes multinationales spécialisées, mais la firme française Areva part grand favori. Cette offre publique est la plus importante jamais faite par l’Afrique du Sud.
L’Afrique du Sud connait un déficit énergétique qui a eu pour résultat des coupures de courant catastrophiques pour l’économie ; les mines, les fonderies d’aluminium, grandes consommatrices d’énergie ont été durement touchées. Des années de négligence ont aussi mis à mal le réseau de distribution.
L’Afrique du Sud doit investir dans l’énergie mais le choix est difficile car le pays a plusieurs options. Continuer à utiliser les centrales au charbon, combustible dont le pays regorge, mais qui met à mal la politique de lutte contre le réchauffement climatique et les émissions de Co2 dans laquelle le pays s’est engagé. Investir dans les énergies nouvelles, solaire, éolienne et biomasse, mais la production reste encore faible et aléatoire. Parier sur les centrales à gaz, ressource encore peu exploitée, même si les explorations vont bon train et si les ressources en gaz de schistes sont pour le moment mises en veilleuse étant donné les dangers pour l’environnement. Ou bien avoir recours à l’énergie nucléaire, même si la question des déchets reste en suspens et si la catastrophe de Fukushima donne à réfléchir.
Le plan énergétique du gouvernement prévoit qu’en 2030 le pays sera en capacité de produire 85241 MW et que la répartition des sources énergétiques sera la suivante : 48% pour le charbon, 13,4% pour le nucléaire, 6.5% pour l’hydroélectricité, 14% pour les énergies renouvelables et 11% pour le gaz. Pour atteindre cet objectif, l’Afrique du Sud prévoit la construction de six centrales nucléaires qui produiront 9600 MW.
La construction de deux centrales à charbon Medupi et Kusile doit apporter en 2013 quand elles fonctionneront à pleine capacité près de 10 000 MW supplémentaires. pour un coût de 240 milliards de rands. Aussi la question se pose de savoir si les centrales nucléaires au coût exorbitant, plus de tiers du Pib de l’Afrique du Sud, sont bien nécessaires.
Apparemment la réponse est oui puisque la Ministre de l’énergie a confirmé ce que le Mail & Guardian avait révélé dans ses colonnes : l’Afrique du Sud veut investir dans l’énergie nucléaire. Ce qui signifie étant donné le coût, qu’Eskom n’est pas en mesure de financer, que ce projet annonce l’entrée du secteur privé sur le marché de l’électricité et qu’Eskom perdra son monopole. Quelles seront alors les conséquences pour le consommateur ?
Parmi les cinq compagnies de France, Chine, Corée du Sud, Russie et un consortium des Usa et du Japon, en course pour obtenir le contrat, la France avec Areva part avec plusieurs longueurs d’avance. La compagnie française est déjà bien implantée en Afrique du Sud puisqu’elle continue à assurer l’entretien de la centrale de Koeberg, mise au point par des compagnies françaises au début des années 1980 au grand mépris des sanctions qui frappaient alors le régime d’apartheid et interdisaient tout transfert de technologies militaires ou sensibles à l’Afrique du Sud.
Des câbles révélés par Wikileaks montrent que la France ne néglige aucun moyen de lobbying pour gagner ce marché et que si la politique change, les affaires restent les affaires. Des cadres d’Areva ont même réussi à s’inviter à des réunions du Num, le syndicat des mineurs, avant d’être priés de quitter les lieux.
Le Num a fait une mise au point un peu plus tard en réaffirmant sa position d’opposition à l’énergie nucléaire et de résistance à toute forme de lobby. « Le Num est convaincu que le projet de construire six réacteurs est mené par des « tenderpreneurs » dont le seul et unique objectif est de prendre l’Etat pour une vache à lait » et renforce son refus du nucléaire sur le fait que la question du stockage des déchets est loin d’être résolue.
Pour les écologistes de Earth Life Africa, l’Afrique du Sud n’a tout simplement pas les moyens d’avoir recours à l’énergie nucléaire car il faut aussi compter les dépenses pour stocker les déchets et améliorer la sécurité. Depuis la catastrophe de Fukushima les mesures de sécurité coûteront beaucoup plus cher argumente l’organisation ou alors on prend des risques inconsidérés.
Pour le moment l’Afrique du Sud n’a pas encore fait son choix, mais elle ne manquera certainement pas de courtisans pour l’encourager dans la voie la plus rentable aux flatteurs. Elle ferait bien alors de vérifier les calculs avant de sortir son carnet de chèques.
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Publié le lundi 24 octobre 2011
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