En décidant que Dubul’ iBhunu (Shoot the Boer, tuez le fermier blanc) était un chant d’incitation à la haine raciale et en interdisant que ce chant soit chanté en public ou en privé, le juge Lamont a soulevé la question épineuse de savoir ce qui fait partie du patrimoine sud-africain ou non.
Le mois de septembre est le mois du patrimoine en Afrique du sud et ce mois de septembre sera dédié « à honorer les héros et héroïnes de la lutte de libération » et aussi calendrier oblige « à soutenir l’équipe des Springboks qui va défendre son titre du champion du monde de rugby en Nouvelle-Zélande ». Si l’intention est bonne de réunir dans un même élan national ceux qui sont tombés sous les balles ou mort dans les prisons de l’apartheid à ceux qui faisaient du rugby l’emblème de la supériorité blanche, l‘exercice est périlleux au moment où les tensions raciales se ravivent devant les difficultés économiques que traversent le pays.
En 1919, le Président de l’Anc Sefako Makgatho traçait déjà la stratégie de la création d’une nation sud-africaine « pour combattre l’impérialisme généré par le traité de Berlin de 1885, pour mener la lutte commune pour la libération, pour détruire le racisme et créer sur les ruines du régime impérialiste une Afrique du Sud non raciale avec des droits démocratiques pour tous sans tenir compte de la race, de la couleur de la peau, de la religion, du sexe etc « Cette volonté d’unir le peuple sud-africain dans toute sa diversité se retrouve dans la Charte de la liberté et dans la constitution de 1996 de l’Afrique du Sud démocratique.
Mais pour construire ce pays nouveau il faut que chacun puisse y retrouver son passé pour l’accepter et le dépasser. Interdire un chant de libération revient pour de nombreux combattants de la liberté à censurer leurs luttes. Jessie Duarte, membre de la direction de l’Anc, l’a clairement dit en annonçant que l’Anc allait faire appel contre la décision du tribunal de Johannesburg. AfriForum qui a mis l’affaire devant la justice, est pour elle une organisation qui représente les plus radicaux des Boers et qui veut ramener le pays en arrière.
« Quels seraient leurs sentiments si nous critiquions l’horrible Monument des Voortrekkers que nous avons intégrer dans le projet de l’ensemble des monuments de l’Afrique post-apartheid que nous appellerons le Parc de la Liberté ? Ce monument est un affront aux Sud-africains noirs. Nous n’allons pas fouiller dans les chants du peuple afrikaner. Nous ne disons pas que ces chants appellent au retour d’un certain général et que maak di Boere vry (libérez les Boers) est un chant indigne. Ce chant a sa place dans l’histoire, et doit être respecté en tant que tel » a déclaré Jessie Duarte qui a ajouté que l’Anc était préoccupée par cette affaire.
Dans un article virulent publié dans AncToday, Ayanda Dlodlo, membre de la direction de l’Anc et secrétaire général de l’association des anciens combattants de uMkhonto weSizwe, estime que ce jugement est une insulte à tous les combattants de la liberté et que c’est prendre les militants de l’Anc pour des simples d’esprit si un chant suffit à leur faire prendre les armes.Elle demande aussi que ceux qui sont responsables du massacre d’innocents en Afrique du Sud , dans les pays de la ligne de front, de l’assassinat de Dulcie September en France et de Olaf Palme en Suède soient poursuivis et jugés.
Pour le Parti communiste sud africain cette affaire a été déposée devant le Tribunal pour l’égalité « par des fanatiques d’extrême-droite qui ont décidé coûte que coûte de réécrire l’histoire de notre pays et de la lutte ». Cette démarche s’inscrit dans une volonté délibérée d’effacer l’idée que les luttes menées en Afrique du Sud ont été menées contre le colonialisme. Cette interdiction ne concerne pas Julius Malema mais elle est contre l’histoire des luttes en Afrique du Sud.
Pour le Cosatu ce jugement est « une grave insulte à l’histoire de notre pays », il s’associe à ses partenaires pour dire que ce chant, comme beaucoup d’autres chants de libération fait partie du patrimoine et de l’histoire de la lutte. Ce chant ne doit pas être pris au pied de la lettre mais désigne « une classe de barons terriens qui ont exploité les noirs sans merci pour tirer grand bénéfice des lois de l’apartheid ».
Les partis d’opposition ont une toute autre position et ont accueilli cette décision comme un pas en avant vers la non racialité exprimée dans la Constitution. Pour le Freedom Front +, il était temps de mettre un terme aux discours haineux de Julius Malema « bien loin de l‘attitude de Nelson Mandela en 1994 ». Les jeunes du Cope y voient un avertissement aux politiciens qui se croient au-dessus de la Constitution et les Démocrates indépendants qualifient le jugement de « victoire pour l’unité ».
La Ligue de la jeunesse de l’Anc n’est pas en reste et constate que les minorités continuent à gouverner en Afrique du Sud et que les tribunaux n’ont pas changé, que le système judiciaire n’a pas changé et que l’on ne peut accepter ces pratiques injustes. Un refrain qui risque d’être repris par de nombreuses voix.
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Publié le vendredi 16 septembre 2011
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