Les dernières élections locales du 18 mai 2011 ont ravivé le débat sur la notion de « minorité », de nationalisme africain et l’affirmation contenue dans la constitution que l’Afrique du Sud appartient à tous ceux qui y vivent, unis dans leur diversité. Jeremy Cronin, membre de la direction de l’Anc et Ministre adjoint des transports apporte sa contribution à ce débat dans les colonnes de Anc Today. Nous donnons ici la traduction de larges extraits de ce texte.
...Comment pouvons-nous (et dans ce « nous », j’inclus un communiste blanc comme moi) à la fois faire notre le concept de non-racialité et le nationalisme africain dans notre culture et nos perspectives stratégiques ?
Une part importante de la réponse à cette question, nous renvoie à 1912. Depuis ses débuts l’approche de l’Anc à la question de « l’identité » (comment nous pensons qui nous sommes) reconnaît que l’identité n’est pas quelque chose d’immuable, pas quelque chose d’enraciner de manière indélébile dans la culture ou dans l’ethnicité où le hasard a voulu que nous naissions. L’objectif stratégique fondateur de l’ANC a été de forger, par la lutte politique, une nouvelle identité africaine...
....Le colonialisme a prévalu par une stratégie du « diviser pour régner ». La réponse a du être de forger une nouvelle identité parmi la majorité des exclus.
Cette nouvelle identité, bien sûr, n’était pas un déni de la diversité ethnique, et il n’y avait pas de problème pour un quelqu’un dont la langue maternelle était le Zulu ou le Venda. Mais pour avancer, l’Anc devait être l’instrument clé pour bâtir à partir des identités spécifiques de chacun, pour les dépasser et pour forger une nouvelle identité nationale unifiée.
Cette conception de l’identité comme un projet politique pour aller de l’avant et rassembler des gens de diverses origines dans une lutte commune est au cœur de la notion fondamentale de la non-racialité de l’Anc. En dépit des horreurs du colonialisme et du pouvoir de la minorité blanche, les traditions majoritaires dans l’Anc n’ont jamais été anti-blanches. C’est pourquoi en 1955, le Mouvement du Congrès a proclamé dans la Charte de la Liberté que « l’Afrique du Sud appartient à tous ceux qui y vivent, noirs et blancs »...
...Ce fut aussi ce principe de la non-racialité qui a conduit à la perspective stratégique constante au cours de la lutte armée que l’ennemi, c’était le système et pas les blancs. Le système d’apartheid était un crime (un crime contre l’humanité comme l’ont proclamé les Nations unies) et pas celui d’un groupe racial particulier.
Mais si le Système était un crime, alors la construction d’une Afrique du Sud nouvelle non-raciale demandait plus qu’un simple changement d’identités, mais une transformation des conditions matérielles. Et cela nous amène à aujourd’hui et à la question de l’interprétation des résultats des élections du 18 mai.
Utiliser le comportement des « minorités » peut être un outil utile d’analyse du résultat des élections dans le contexte sud-africain. Il est important de nous poser la question de savoir pourquoi par exemple, il y a un déclin du soutien électoral à l’Anc depuis 2004 dans les communautés indiennes ou métisses. Mais cela serait une erreur de développer une politique « des minorités » ou mettre en place « une commission des minorités » (comme nous en avons eu une autrefois). Tout d’abord parce qu’il y a de grandes différences entre les « minorités » et au sein d’une même minorité.
La communauté « métisse » est caractérisée par des différences de classes, de langues, de religions et bien d’autres encore. Certains préfèrent se considérer non pas comme des « métis » mais « des Sud-Africains noirs » ou tout simplement comme de simples Sud-Africains, d’autres se considèrent d’abord comme des Sud-Africains musulmans, etc... C’est précisément l’Alliance démocratique qui a cherché à mobiliser les soi-disant « minorités indiennes ou métisses » sur la base de leur existence en tant que minorités qui partagent avec les blancs une « menace commune » présumée provenir de la « majorité »...
...Mais une société plus égalitaire et plus solidaire n’est pas forcément du goût des intérêts à court terme de certains groupes. Ceux qui sont super riches et qui vivent dans les banlieues huppées vont s’opposer à l’idée d’une assurance maladie pour tous ou bien à la construction de logements sociaux près de chez eux. Beaucoup (pas nécessairement tous) qui vivent dans ces conditions vont chercher à s’opposer à un véritable programme de transformation sociale, et ils vont chercher à déguiser leur intérêt de classe et l’héritage de privilèges raciaux qu’ils cherchent à défendre en présentant leurs intérêts d’arrière-garde comme étant des intérêts partagés par toute une gamme de forces diverses.
C’est exactement la nature de la dernière campagne électorale de l’Alliance démocratique. Remarquons d’abord comment les bons résultats électoraux de l’Alliance démocratique ont été acclamés par l’Alliance démocratique elle-même et les médias comme « un murissement de la démocratie »en Afrique du Sud. Ils considèrent que c’est là un éloignement du vote lié à « l’identité raciale ». Mais les Blancs ne se sont pas éloignés de LEUR vote selon « l’identité raciale », au contraire, le succès de l’Alliance démocratique s’est construit sur la consolidation des modèles de choix électoral selon une identité raciale... En bref, selon tous les commentateurs dans l’intérêt d’un approfondissement de la démocratie, la majorité devrait abandonner son nationalisme africain.
Anthony Butler, un des plus incisifs analystes politiques, pas particulièrement tendre avec l’Anc, dans le Business Today, reconnaît le rôle absolument essentiel de l’Anc dans la construction de la nation. Il écrit que la victoire électorale de l’Anc, répétée ce 18 mai « a été une ressource nationale. Elle a permis à la direction de l’Anc de renforcer le gouvernement constitutionnel, de désamorcer les conflits raciaux et ethniques et de contenir les éléments antidémocratiques dans le cadre de la politique des partis...Une érosion trop rapide du contrôle de l’Anc pourrait être dangereux...L’opposition pourrait se transformer et devenir une force de mobilisation sur des critères raciaux et ethniques. Et un système des partis trop fluide pourrait amener un gouvernement de coalition à l’immobilisme »...
...L’Alliance démocratique veut faire de Mandela et la Charte de la liberté des libéraux constitutionnels sans couleur. Mais la non racialité de l’Afrique du Sud ne va être consolidée et affirmée par une simple gouvernance technocrate améliorée (bien que nous en ayons besoin ), par un bon sentiment nationaliste aux couleurs de l’arc-en-ciel et des affiches électorales pour trois races pour réassurer les électeurs blancs et leur dire que sous la tutelle des blancs, les choses peuvent changer sans avoir à changer.
Vous ne pouvez pas construire une société non raciale pérenne dans laquelle le chômage, les inégalités et la pauvreté sont toujours profondément marqués par un passé raciste. Vous ne pouvez pas espérer une non racialité quand les réalités matérielles, comme la persistance de la géographie de l’apartheid de nos villes, de nos métropoles, de nos zones rurales continuent à reproduire les avantages et désavantages raciaux...
Plus d'informations : anc today
Publié le jeudi 23 juin 2011
© RENAPAS
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