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Racisme, mémoire et liberté d’expression

La liberté d’expression et la liberté de la presse sont des droits fondamentaux inscrits dans la constitution sud-africaine, mais ces derniers temps, les menaces proférées contre les journalistes ont amené 19 d’entre eux à porter plainte et la controverse sur les chants de libération ravive les démons du passé.

Le Président de la Ligue de la jeunesse de l’ANC (Ancyl) est bien connu pour ces remarques désobligeantes à l’encontre des femmes, des journalistes, des hommes politiques, bref de tous ceux qui osent poser des questions sur son style de vie, ses prises de position et son vocabulaire outranciers. Il bénéficie d’un entourage entièrement dévoué à sa personne et son porte-parole vient de se faire remarquer en menaçant les journalistes qui oseraient salir l’image du maître

Floyd Shivambu a été accusé par des journalistes de les menacer de faire des révélations embarrassantes sur leur vie privée. La question a immédiatement surgi de savoir comment on pouvait avoir accès à la vie privée des gens et surtout de quel droit on pouvait sans servir pour les diffamer.

La Ligue de la jeunesse de l’Anc a rejeté ces accusations d’un revers de main en qualifiant les journalistes, 19 parmi les plus connus et les plus respectés du monde de la presse sud-africaine, de « bande de journalistes immatures ». Le président de l’ANC retourne d’une manière étonnante l’affaire à son profit en déclarant « Cette bande veut créer une fausse alarme en réponse à un vrai cas d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent par un journaliste » et d’ajouter « la ligue ne changera pas son programme de dénonciation de toute personne présumée coupable de corruption et d’évasion fiscale ». Ce qui ne manque pas de saveur quand on sait que ce même Malema est soupçonné de corruption et que son style de vie luxueux n’est guère en accord avec ses propos sur les pauvres.

L’affaire a fait grand bruit et la centrale syndicale Cosatu a fait une déclaration virulente contre les menaces proférées à l’encontre de la presse. « Si ces allégations contenues dans la plainte déposée par les 19 journalistes se révèlent vraies, nous n ‘ hésiterons pas à condamner toute tentative d’intimidation des journalistes. Ce n’est pas seulement une attaque inacceptable contre des travailleurs, mais cela va obliger les médias à présenter une version biaisée de la vérité de peur de représailles ». Et le Cosatu va encore plus loin : « Toute tentative de menace envers les médias pour censurer des faits politiquement embarrassants est le premier pas vers une « Zanufication » (référence à la situation au Zimbabwe) et à la dictature d’une république bananière ».

Cette ambiance détestable s’est encore dégradée avec la controverse concernant les chants de libération, que Julius Malema affectionne surtout pour provoquer la population blanche la plus conservatrice, les fermiers afrikaners. Chanter « tuez les Boers, tuez les fermiers blancs » est-ce faire devoir de mémoire ou inciter à la haine raciale ? La justice a tranché et le tribunal de Johannesburg a interdit ce type de chansons comme étant anticonstitutionnels, mais l’Anc rejette ce jugement et son secrétaire général affirme que chanter ses chansons est une sorte de leçon d’histoire pour les jeunes générations : « cette démocratie est le fruit d’une longue lutte de libération. Cela ne doit jamais être caché aux jeunes générations ». De plus l’Anc affirme que le terme « Boer » ne désigne pas forcément « un fermier blanc » et que c’est le parti de droite Freedom Front + qui incite à la haine en déformant le sens de ce chant de lutte.

Le Président Jacob Zuma défend aussi le droit à chanter les chants du temps de la lutte de libération et au cours de sa visite dans la ville de Bethléem où il a rencontré des blancs pauvres, il a repris l’argumentation de « la cohésion sociale et la nécessité d’assurer « l’héritage commun ». Pour preuve, le Parc de la Liberté et le monument dédié au grand trek des Boers, Voortrekker Monument seront réunis dans un même endroit. « Nous devons nous approprier notre histoire qu ‘elle soit bonne ou mauvaise ».

Le Cosatu aussi défend les chants de lutte et refuse leur interdiction car « ils font partie de l’histoire de notre lutte contre l’apartheid » et de dire que les paroles reflétaient l’extrême colère du peuple noir qui pouvait à cette époque être massacré sans pitié et n’avait aucun droit. Pour étayer son argumentation le Cosatu cite la Marseillaise, chant révolutionnaire farouche qui est devenu l’hymne national de la France.

C’est dans ce contexte difficile et tendu que l’on a appris le meurtre par deux de ses ouvriers d’Eugène Terre-Blanche, militant d’extrême droite et chantre de la suprématie de l’homme blanc qui avait eu son heure de gloire au temps de l’apartheid, mais qui avait choisi la discrétion ces dernières années.

Plus d'informations : cosatu media monitor

Publié le dimanche 4 avril 2010


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