Depuis que l’Afrique du Sud est officiellement le pays le plus inégalitaire au monde, le ton monte entre le gouvernement et ses alliés. Le constat est cruel : la pauvreté et le chômage sont toujours le lot quotidien de la grande majorité de la population noire, alors que dans les beaux quartiers blancs quelques nouveaux riches noirs se pavanent, mais jusqu’à quand ?
En ouvrant le congrès du syndicat des métallurgistes (Numsa) le secrétaire général de l’ANC, Gwede Mantashe est revenu sur les chiffres alarmants du chômage. En prenant la définition la plus conservatrice du chômage, le taux est de 34,4 %, soit près de 5 millions de personnes à la recherche d’un emploi qui rejoignent la cohorte des pauvres.
Cependant le même Mantashe a rejeté comme une « réaction de jalousie » la déclaration du même syndicat qui demande la nationalisation des biens des riches, en particulier ceux des nouveaux riches noirs comme Patrice Motsepe et Tokyo Sexwale, ministre du logement. La publication de la liste des 100 personnes les plus riches d’Afrique du Sud a déchaîné les passions car on y trouve 20 noms de personnes noires.
Le porte-parole du Numsa a dénoncé ce remplacement des capitalistes blancs par des capitalistes noirs. « Nous sommes convaincus que notre révolution nationale démocratique telle qu’elle est définie dans la Charte de la liberté n’a jamais voulu dire la reproduction ou le remplacement d’une classe capitaliste blanche par une classe capitaliste noire ».
Il n’en reste pas moins que le gouffre toujours plus profond qui sépare les riches et les pauvres en Afrique du Sud est comme le dit un commentateur du quotidien Sowetan « une bombe à retardement ». Déjà les désordres qui agitent de nombreux quartiers est révélateur de cette impatience qui gagne les couches les plus pauvres de la population.
Pour le porte-parole du Cosatu, Patrick Craven, il est évident que pour des gens qui vivent dans des baraques dans la township d’Alexandra, voir le luxe du quartier chic de Sandton à quelques kilomètres ne peut que provoquer leur colère. Et quand ce sont les gens qu’ils ont élu qui quittent leur communauté et déménagent dans une banlieue huppée et adopte un style de vie capitaliste, la frustration est énorme. « Les récentes protestations sont en partie une révolte contre ces personnes élues par leur communauté qui sont devenues corrompues, qui s’en vont vivre une vie affluente aux frais du contribuable et ne font rien pour aider ceux qu’ils ont laissés derrière ».
La question de la corruption revient souvent dans les discours et les colonnes de la presse. Pour Le secrétaire général du Cosatu, Zwelinzima Vavi, la corruption est si grande qu’elle menace « les fondements de la vie démocratique du pays ». Mais il fait remarquer que pour qu’il y ait corruption, il faut deux parties, le corrupteur et le corrompu. Il est notoire que la corruption est la pratique habituelle pour obtenir les marchés publics et que les appels d’offres sont pipés dès leur parution. Vavi accuse le secteur privé d’avoir fait entrer ses mœurs au sein de la vie publique et d’y avoir importé « une culture » dangereuse. Parodiant la devise syndicale « une blessure faite à l’un de nous, est une blessure faite à tous » Vavi résume la morale capitaliste en ces termes « une blessure faite à l’un de nous est une chance pour les autres ».
Combattre la corruption est non seulement un impératif moral, mais c’est aussi une question de justice sociale. Les services publics dans les mains de personnes corrompues ne peuvent pas donner à la population ce qu’elle attend avec impatience : des logements, des dispensaires, des services pour améliorer le quotidien. Il ne faut pas s’étonner non plus de voir que les compagnies qui offrent des salaires astronomiques à leurs dirigeants attirent vers eux les meilleurs des fonctionnaires.
Toutefois le remède n’est pas simple pour combattre cette culture matérialiste grossière qui s’est emparée du pays. Il faudrait certainement revenir aux valeurs de l’ubuntu et de l’honnêteté comme le soulignent de nombreux commentateurs, mais quand et comment ?
De plus la fin de la crise et la reprise modeste de la croissance ne signifient pas que les plus pauvres vont en profiter. La croissance n’a jamais était synonyme de créations d’emplois, trop souvent la reprise de l’activité économique se fait sur le dos des travailleurs alors que les actionnaires empochent les dividendes. Comme le dit Terry Bell dans son article du Business Report, « la reprise va seulement aider les riches à devenir plus riches » et dans une métaphore cannibale « les riches vont continuer à dévorer les pauvres ».
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Publié le samedi 7 novembre 2009
© RENAPAS
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