Analystes, commentateurs et politologues ne manquent pas de passer au peigne fin les cent jours premiers jours du nouveau président et de son gouvernement en poste depuis les dernières élections d’avril dernier. À la lecture de ces commentaires, tranquillité et continuité semblent résumer la situation et pourtant des changements sont déjà perceptibles.
La crainte de l’opposition de voir le Président tenu en otage par les alliés de l’Anc, la centrale syndicale COSATU et les communistes du SACP s’est révélé sans objet. Jacob Zuma a su choisir parmi eux les personnes compétentes, aguerries et réalistes pour les nommer à des postes ministériels importants sans céder davantage et ne pas affoler le monde des affaires. Un choix judicieux au moment où le pays traverse une période de crise économique sans précédent depuis 17 ans. La chute de 17,1% de la production industrielle et celle de 6,7% du commerce de détail montrent que la crise est profonde et que le chômage, en dépit des promesses de créer 500 000 emplois avant la fin de l’année, ne va pas se résorber d’un coup de baguette magique. Par ailleurs, la volonté des syndicats de négocier avec le patronat et le gouvernement pour trouver des solutions pour éviter les licenciements et se préparer à la reprise économique ne rencontre pas beaucoup d’enthousiasme du côté patronal.
Jacob Zuma a su composer son gouvernement en l’ouvrant aussi à l’opposition en nommant Pieter Mulder du Freedom Front, un parti représentatif de la population blanche rurale afrikaner, vice ministre de l’agriculture, de la pêche et des forêts. Il a oublié les insultes de l’Alliance démocratique (DA) pendant la campagne électorale et il a nommé Tony Leon,l’ancien chef de ce parti, à un poste diplomatique en Argentine.
Tout le monde est unanime pour dire que le nouveau président sait écouter, aussi bien ses alliés que ses opposants ou les simples citoyens. Ses visites dans les townships, sa volonté d’aller voir tous les directeurs d’écoles marque un changement de style avec son prédécesseur que même l’archevêque Desmond Tutu applaudit. Ce dernier avait pourtant une bien médiocre opinion de Jacob Zuma avant son élection ! Au cours de sa récente visite aux USA, Desmond Titu a fait une comparaison flatteuse entre Barack Obama et Jacob Zuma. « Il dégage une véritable chaleur humaine qui met les gens à l’aise. C’est très important pour un dirigeant de garder le contact avec ses électeurs ».
Sa jovialité, sa rondeur, sa volonté affichée d’améliorer le sort des plus pauvres ne sont pas que des effets de style. Le gouvernement s’est attelé à la mise en place d’un système de couverture médicale pour tous, à l’amélioration du service public de santé, à une véritable stratégie de lutte contre la pandémie du sida. Le gouvernement vient aussi de lancer son Programme national de développement rural qui prend acte de l’échec de la réforme agraire des gouvernements précédents. Le plan prévoit de faciliter l’accès à la terre pour les plus pauvres dans le but d’assurer la sécurité alimentaire, d’améliorer les services de formation et de conseils aux futurs agriculteurs, et de leur faciliter l’accès aux prêts. Une attention particulière sera accordée aux zones rurales des anciens bantoustans qui restent toujours des poches de pauvreté extrême.
Beaucoup de commentateurs font remarquer qu’il est trop tôt pour avoir un jugement global sur la politique menée par Jacob Zuma et son gouvernement. Certains lui reprochent aussi d’avoir comme son prédécesseur un penchant pour un pouvoir centralisé qui veille sur tout. C’est d’ailleurs le rôle assigné à deux ministres chargés de la planification et du contrôle et de l évaluation des programmes gouvernementaux. Mais comme le fait remarquer Steve Friedman « l’idée que le gouvernement va fonctionner grâce à des décisions prises par une poignée de personnes décidées et intelligentes peut sembler séduisante en théorie. Dans la pratique cela crée un gouffre entre le gouvernement et la réalité... Si le gouvernement veut fonctionner, les citoyens doivent jouer un rôle essentiel dans la mise en pratique des plans et aussi dans leur élaboration, car les citoyens savent mieux que le gouvernement quels plans marchent bien pour eux et ceux qui ne marchent pas ».
Cent jours, c’est bien court pour juger un gouvernement élu pour cinq ans et qui doit s’attaquer à des plaies qui rongent la société sud-africaine depuis des décennies.
Publié le jeudi 20 août 2009
© RENAPAS
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