Les violences xénophobes des dernières semaines, la crise énergétique, la question de la dissolution des Scorpions, groupe d’élite de la police, la crise à la SABC, la crise au Zimbabwe et surtout la question permanente du chômage et de la pauvreté, autant d’arguments pour ceux qui souhaitent mettre un terme au mandat du Président Mbeki. Mais est-ce la meilleure façon de régler les problèmes ?
C’est le Parti communiste, un allié de l’Anc, qui vient d ‘annoncer clairement que Mbeki devait partir avant la fin de son mandat. Si beaucoup partagent l’analyse du Sacp qui accuse le président en exercice d’avoir entraîné le pays dans « un marécage » et que celui-ci traverse aujourd’hui une crise majeure, rares sont ceux qui avancent l’idée que des élections anticipées seraient la solution pour résoudre les questions graves qui n’ont pas, en 14 ans de pouvoir, trouver de solutions satisfaisantes. D’ailleurs ni le Cosatu ni la majorité des membres de l’Anc sont en faveur de cette solution radicale.
Le secrétaire général du Sacp tout en affirmant que Mbeki devait partir a très prudemment déclaré que personne ne savait encore « comment cela doit être fait sans créer encore plus d’instabilité, c’est une question à mesurer avec sobriété ». Le secrétaire adjoint, Jeremy Cronin a déclaré lors d’un point de presse que cet appel au départ du président actuel « n’avait pas été fait à la légère, car il y a une crise générale de cohérence et de direction politique, que ce soit à propos du Zimbabwe, de la SABC, de notre système de justice, de l’économie. En fait, notre appel est un appel profondément patriotique ».
À propos de la gestion de la crise au Zimbabwe qui est un échec avéré, un responsable du comité national exécutif de l ‘Anc, à la question de savoir pourquoi Mbeki était toujours en charge du dossier, a répondu « Ce n’est pas nous qui l’avons nommé, demandez à la SADC pourquoi il est toujours en charge du dossier ».
La conférence de Polokwane qui a choisi de mettre Jacob Zuma à la tête de l’Anc, à créer une situation inédite qui a conduit à un vide de direction politique dangereux. La question de savoir qui gouverne le pays revient très souvent : est-ce le Comité national exécutif de l’Anc ou le gouvernement et le Parlement ? le pays étant une démocratie avec un Parlement élu au suffrage universel, la réponse semble évidente. Pourtant le vide politique est bien là.
De nombreuses voix s’élèvent pour demander où sont passés tous ces dirigeants compétents, dévoués et intègres qui avaient su mener le combat contre l’apartheid et réussi à mener à bien les difficiles négociations des années 1990-1994 ? Le Sunday Times en dresse la liste pour découvrir que la plupart ont préféré le monde des affaires à celui de la politique. « Il se passe de mauvaises choses dans ce pays parce que les bons n’ont rien fait » commente amèrement Patricia de Lille, dirigeante de l’opposition. Pour Kader Asmal, un vétéran de la lutte anti-apartheid et deux fois ministre depuis 1994, « nous n’avons pas assez parlé » et pour le frère du Président Mbeki, Moeletsi Mbeki, la plupart de ceux qui sont au gouvernement n’osent pas parler de peur de déplaire au « Grand Dirigeant » et de perdre leurs postes confortables.
William Gumede, qui a écrit une biographie du Président actuel, Thabo Mbeki and the Battle for the Soul of the ANC , explique dans un article publié par le Mail & Guardian pourquoi il doit partir au plus vite. Le pouvoir du Président est érodé pour plusieurs raisons : il y a deux centres de direction depuis la conférence de Polokwane, l’ANC et le gouvernement ; l’absence de réponse aux appels désespérés de la population la plus pauvre ; les luttes de factions dans les structures de l’Anc. La situation de crise grave demande une solution radicale : la dissolution de l’assemblée, des élections anticipées, la démission du Président. Parce qu’il y a urgence, il suggère que l’Anc nomme comme candidat à la magistrature suprême soit le secrétaire général adjoint de l’Anc, Kgalema Mothlante, soit le trésorier de l’Anc, Mathews Phosa, soit Cyril Ramaphosa, du comité national exécutif de l’Anc. Ces hommes représentent un changement de génération et une rupture avec les guerres de faction qui paralysent le gouvernement et l’Anc. Jacob Zuma pourrait rester président de l’Anc, mais en aucune façon devenir Président d’Afrique du Sud étant donné ses démêlés avec la justice.
L’Afrique du Sud est à un tournant de son histoire post-apartheid et doit trouver rapidement des solutions pour répondre aux attentes de la population. C’est à ses dirigeants de les trouver ensemble , comme ils ont su le faire à d’autres périodes difficiles dans l’unité d’un mouvement populaire.
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Publié le jeudi 5 juin 2008
© RENAPAS
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