L’Afrique du Sud est sous le choc de la vague de violence qui a déferlé dans les townships, les condamnations de ces actes barbares fusent de toutes parts, les fantômes hideux du passé sont invoqués, mais au-delà de l’indignation et de l’émotion comment expliquer cette folie meurtrière ? Des analystes, des chercheurs et des dirigeants politiques donnent des pistes de réflexion.
Les partenaires de la triple alliance Anc, Sacp, Cosatu, les Ong, les églises ont condamné ces actes et ont appelé à l’unité pour tenter d’effacer la honte de ces actes commis contre ces étrangers qui ont soutenu en son temps la lutte de libération du peuple sud-africain. L’appel à la vigilance, alors que des actes xénophobes se répètent partout dans le pays, ne suffira certainement pas à éteindre l’incendie et l’invocation d’ une « troisième force », comme dans les années 1990 ne suffira pas non plus à expliquer l’ampleur du phénomène actuel.
Les incidents, comme en 1990, ont démarré dans les zones les plus pauvres des townships où s’entassent dans des conditions déplorables une population laissée pour compte à laquelle s’ajoute une foule d’immigrants encore plus pauvres. Des incidents ont aussi eu lieu dans les « hostels » où sont logés les mineurs venus des zones rurales, du Mozambique, du Lesotho ou du Botswana. Des hommes qui ont avoué avoir été payés pour « tuer des étrangers » ont été arrêtes, le syndicat des mineurs, des compagnies minières ont exprimé leur inquiétude et de nombreux Mozambicains sont repartis dans leur pays.
Blade Nzimande, le secrétaire du Sacp, souligne dans son analyse les transformations des économies des pays de l’Afrique australe depuis les années 1980. La faillite des plans d’ajustements structurels imposés par le FMI ont appauvri tous les pays de la région et depuis 1994 beaucoup de personnes ont cru trouver dans la nouvelle Afrique du Sud une vie meilleure. La politique économique mise en place par le gouvernement, le GEAR, que Blade Nzimande qualifie « d’ajustement structurel auto imposé » n’a pas réussi à enrayer la montée du chômage et de la pauvreté. Aujourd’hui, 12 millions de pauvres vivent de l’aide sociale en Afrique du Sud.
D’autre part , les capitalistes et en particulier les capitalistes sud-africains profitent de la transformation de l’économie pour exploiter au maximum les travailleurs des autres pays qui ne sont pas protégés par les lois sur le travail et de nombreuses compagnies sud africaines investissent sur le continent et exploitent une main-d’oeuvre à bon marché. Aussi parler de « renaissance africaine »dans un tel contexte de pauvreté et d’exploitation n’est rien d’autre pour le dirigeant communiste que « l’opium du peuple sous une forme nouvelle et modernisée »
La crise au Zimbabwe a accentué le flux des réfugiés économiques et politiques dans le pays sans que le gouvernement, qui s’obstine à nier cette crise, prennent des mesures pour faire face à la situation. Aujourd’hui, selon le directeur du Centre pou l’étude de la violence et la réconciliation, la confusion est totale sur le statut de ces réfugiés et beaucoup, victimes d’agressions n’osent pas aller à la police de peur d’être arrêtés et expulsés. Pour le gouvernement, il n’y a pas de réfugiés politiques, seulement des immigrants pour cause économique.
Le fardeau de ces erreurs ou choix politiques est porté par les pauvres qui en viennent à se disputer les maigres ressources qu’ils ont, alors qu’une nouvelle petite bourgeoisie noire vit confortablement. Cette nouvelle classe sociale est l’un des paradoxes de la nouvelle Afrique du Sud. Trop de dirigeants poltiques de l’Anc ou du Sacp, en particulier au niveau local, ont usé et abusé de leur pouvoir pour accorder des avantages à leurs amis, ont accepté, encouragé la corruption sous toutes ces formes. L’arrogance et le clinquant des nouveaux riches a fait le pain bénit des adversaires du pouvoir qui sont toujours à l’affût. Le parti au pouvoir est devenu un parti politique comme les autres, éloignés de sa base et des luttes quotidiennes de ses électeurs pour survivre dans un environnement hostile.
Beaucoup d’analystes pointent du doigt non seulement l’inertie du gouvernement alors que de multiples attaques xénophobes ont lieu depuis des mois, mais aussi la carence des services de renseignements. Si des forces contre révolutionnaires exploitent et manoeuvrent les plus exploités, comment se fait-il que le gouvernement n’ait pas eu vent de ce qui se tramait ?
Devant la gravité de la situation et le danger de voir cette violence xénophobe se transformer en une rivalité ethnique entre sud-africains, que faire ?
Dans l’immédiat le renforcement des forces de police, l’arrestation et la condamnation des auteurs des violences semblent faire l’unanimité. À plus long terme, un renforcement de l’éducation au respect de l’autre et à la tolérance est nécessaire pour une société qui a vécu trop longtemps dans un climat de violence. Reconstruire des structures poltiques et de la société civile qui auront la confiance des gens, avec des dirigeants intègres qui pourront jouer pleinement leur rôle est une autre nécessité urgente.
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Publié le vendredi 23 mai 2008
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