Alors que l’on pouvait espérer voir la lumière se faire peu à peu avec l’autorisation accordée à l’avocat de la famille de Dulcie September pour consulter les archives, un récent courrier a fait l’effet d’une douche froide. Le carnet et l’agenda personnels de Dulcie September ont été détruits ainsi que les documents relatifs à l’enquête judiciaire.
La consultation des archives est soumise à des règles strictes, surtout s’il s’agit d’affaires touchant au secret défense, mais elles n’en révèlent pas moins de grandes surprises. Ainsi, on découvre, dans les cartons, deux enveloppes scellées avec interdiction d’ouvrir sous peine d’emprisonnement et amendes. Il était notoirement connu que Dulcie s’inquiétait beaucoup de la coopération nucléaire entre la France et l’Afrique du Sud durant l’apartheid. Les archives du Cabinet du Premier Ministre de l’année 1988, confirmeront les échanges importants sur la période 1987-1988, alors que l’Afrique du Sud détenait l’arme nucléaire.
Mais la plus grande surprise est venue d’un courrier récent du Parquet national anti-terroriste, à la suite de la demande de restitution de l’agenda personnel de Dulcie September, mis sous scellés, à sa famille : la totalité du dossier a été détruit par les archives départementales et le greffe du Tribunal. Le parquet anti-terroriste a en charge les crimes contre l’humanité : le crime d’apartheid dont Dulcie September a été victime relève donc de sa compétence. Dès lors n’aurait-il pas dû veiller à la conservation intégrale des pièces ?
Tout le dossier a été passé au broyeur sans avertissement ou notification préalable à la famille, les droits de propriété protégés par les articles 1 et 17 de la déclaration des droits de l’homme et le protocole n°1 de la Convention européenne des droits de l’homme ont donc été bafoués. Ces destructions nuisent à la recherche de la vérité sur ce crime d’apartheid et participent du déni de justice.
Ce dossier non seulement appartenait à la famille, mais à l’histoire commune de notre pays et de l’Afrique du Sud. Sa destruction, dans le plus grand secret, est-elle une volonté délibérée de faire disparaître définitivement la lutte de Dulcie September des archives de cette histoire ? Que reste-il alors des propos de l’ambassadeur de France en Afrique du sud tenus, il y a moins de deux ans, sur TV5 Monde au journal Afrique « C’est notre devoir je crois de parler de son combat, de cette femme, et du rôle qu’elle a joué » ?
La préservation du réquisitoire définitif du 7 juillet 1988 et de l’ordonnance de non-lieu n’apporte aucune compensation à la perte définitive du dossier judiciaire. On s’aperçoit à la lecture de ces deux documents que le Procureur de la République a dicté au juge ce qu’il fallait faire et écrire, les deux documents étant identiques.
En consultant les archives du ministère de la justice conservés aux Archives nationales, des pièces montrent que le dossier était sous contrôle ministériel permanent. Le ministère de la justice gérait le dossier à partir des instructions que le ministre pouvait adresser librement au procureur général. Il s’agit certes d’une affaire d’Etat, mais la question se pose alors de l’indépendance de la justice pour établir la vérité sur un crime commis il y a plus de trente ans au cœur de Paris. -
Publié le samedi 27 avril 2024
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