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Bell Pottinger : communication, mensonge et gros pognon

Bell Pottinger est une agence de communication basée à Londres dont le travail consiste parfois à fabriquer des personnages vendables à une opinion publique présumée capable d’avaler de grosses couleuvres. Ses agents en Afrique du Sud ont forcé la dose et ça coince !

L’Afrique du Sud n’avait vraiment pas besoin d’un scandale de plus, déjà empêtrée dans le scandale de la corruption à tous les étages, du chef de l’état aux entreprises publiques. Mais là il s’agit d’une manipulation qui a ravivé les braises encore chaudes du racisme dans une démocratie encore toute jeune et qui voudrait panser les plaies encore vives d’un passé tragique.

L’affaire est grave au point que le responsable de l’agence vient de faire des excuses publiques « Nous voulons faire des excuses pleines et entières et sans équivoque à tous ceux que nous avons blessés » a-t-il dit, en expliquant que les responsables de cette campagne avait été « égarés » et mis à la porte.

Mais les excuses ne passent pas ! Les Sud-africains veulent des explications et une enquête judiciaire pour savoir qui est à l’origine de cette campagne de haine raciale qui a déjà fait des dégâts : des journalistes on été menacés, des groupes comme Black First, Land First n’hésitent plus à proférer des menaces de mort.

Bell Pottinger a pour client une entreprise Oakbay Investment, propriété de la famille Gupta, mais l’agence affirme ne plus avoir de relations avec cette famille indienne mise en cause dans le rapport de la médiatrice de la république « State of the capture ». Les frères Gupta ont réussi grâce à de généreuses enveloppes à corrompre un impressionnant nombre d’hommes politiques qui gravitent autour du Président Zuma.

Ce rapport ayant fait beaucoup de bruit, des voix se sont élevées pour exiger une commission d’enquête pour faire toute la clarté sur cette affaire de gros sous. Depuis des courriels révélés par les médias montrent que les Gupta sont impliqués jusqu’au cou dans ce labyrinthe de coups bas, mensonges et ignominies. La famille Gupta ou Oakbay ou Duduzane Zuma, le fils du président, ou d’autres bien placés dans les cercles du pouvoir, ont décidé de contre-attaquer et ont demandé à Bell Pottinger de faire une campagne pour montrer qu’ils sont victimes de plus riches qu’eux.

Rien de plus facile pour une agence de communication de forger des slogans qui frappent fort. Peindre en blanc le capitalisme qui fait la pluie et le beau temps de l’économie sud-africaine depuis la colonisation était une bonne idée et une belle image pour frapper les esprits de la population noire victime des Cecil Rhodes, Ruppert ou Oppenheimer et bien d’autres affreux capitalistes blancs depuis des lustres.

Coupler « le capitalisme monopoliste blanc » avec « la transformation radicale de l’économie », c’était faire croire aux masses pauvres et incultes qu’enfin, elles aussi avaient droit à ces richesses accaparées par les Blancs et leur faire oublier que les nouveaux riches noirs, les bénéficiaires de la politique du Black Economic Empowerment, avaient aussi rempli leurs poches en oubliant complètement leurs frères des townships. Les « chats gras » ont bien profité du nouveau régime démocratique sud-africain.

La couleuvre ayant enflé au point de ressembler à un boa et se servir du capitalisme monopoliste blanc et de la transformation radicale de l’économie dans tous les discours des amis du Président, sans autre explication, a mis la puce à l’oreille de ceux qui pensent que l’Afrique du Sud est engagée dans un très mauvais chemin depuis l’arrivée de Jacob Zuma au pouvoir. Les partis d’opposition demandent que la justice s’empare de l’affaire et ceux qui, au sein de l’Anc, en ont assez de voir leur mouvement dériver dans le marécage de la corruption et des coups tordus ont vivement réagi. Ainsi Paul Mashatile, responsable provincial de l’Anc du Gauteng a-t-il fustigé ce concept nouveau.

« Le capitalisme monopoliste reste l’ennemi de notre révolution démocratique nationale. A ce sujet notre conférence (la conférence provinciale)) a dit très clairement qu’il n’y a pas de capitalisme monopoliste blanc dans notre vocabulaire » et d’ajouter que la lutte contre toutes les dominations reste au cœur de la politique de l’Anc. « Parler de capitalisme blanc n’est qu’une diversion aux relents de populisme qui jette la confusion dans nos rangs » Le parti communiste sud-africain avait depuis longtemps dénoncé les agissements criminels de la famille Gupta, mais c’est au sein même de la conférence politique de l’ANC qui s’est tenue du 1er au 6 juillet que la majorité des délégués ont rejeté cette notion, tout autant que des propositions populistes comme l’expropriation des terres sans compensation ou des nationalisations à tout va.

Cette dénonciation, de plus en plus clairement formulée contre les agissements de la famille Gupta et de ceux qui leur doivent leur costumes Gucci et leurs montres Breitling, a pris un ton très virulent avec les déclarations de l’organisation Save South Africa « Bell Pottinger, en partenariat avec son client, a jeté les graines de la méfiance, de la haine raciale et la division de notre société... Cette entreprise britannique a divisé la société sud-africaine et laissé de profondes cicatrices dans notre tissu social… il ne suffit pas d’invoquer l’égarement, c’est inacceptable de la part d’une entreprise qui a un passé de désinformation et de coups tordus dans le monde entier ».

Parce que c’est bien là ou cette affaire dépasse le cadre sud-africain. Bell Pottinger n’en est pas à son coup d’essai. L’agence a des bureaux aux quatre coins du monde, a pour clients des hommes politiques, de grosses entreprises et multinationales et selon le Bureau du journalisme d’investigation a travaillé pour le Pentagone et la Cia. Fabriquer de fausses nouvelles, ternir la réputation d’un adversaire politique est un jeu d’enfants pour ces manipulateurs, mais l’art de la communication pourrait aussi devenir le fossoyeur de la démocratie chèrement acquise du peuple sud-africain et de la démocratie tout court, dans bien d’autres pays.

Jacqueline Dérens

Publié le samedi 8 juillet 2017


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