Le film de Rehad Desaï, Miners Shot Down, suit la longue lignée de films et documentaires qui ont aidé à changer le regard porté sur l’histoire de l’Afrique du Sud. Ce documentaire bouleversant fait plus que raconter l’engrenage de la violence à la mine de Marikana, il pose la question du partage des richesses dans un pays qui est le plus inégalitaire au monde
Le quotidien en ligne Daily Maverick titre : Miners Shot Down, le film que tous les Sud-africains devraient voir et ne jamais oublier, tandis que l’Alliance démocratique saute sur l’occasion pour demander pourquoi ce documentaire sur un événement qui a bouleversé l’opinion publique sud–africaine n’est toujours pas visible sur la chaîne publique SABC, ni sur aucune chaîne privée. L’Anc n’a pas ménagé ses louanges pour ce film qui fait honneur au pays. Le gouvernement va-t-il pour autant donner un coup de pouce à la programmation du film et accélérer les procédures pour que les familles des victimes laissées sans ressources par la mort d’un mari, d’un père ou d’un frère soient reçoivent des compensations financières ?
Parce que ce film est beaucoup plus que la narration d’un massacre annoncé, c’est un hommage à tous les mineurs sud-africains qui ont fait la fortune des patrons, de Cecil Rhodes à la direction de Lonmin, propriétaire des mines de Marikana. Deux mondes entre lesquels le dialogue est impossible et que le film montre dans des séquences inoubliables : on ne dialogue pas avec les gueux. Quand Manbush, l homme à la couverture verte, demande à dialoguer avec la direction de Lonmin et qu’enfin un des leurs condescend à lui parler, il le fait à l’abri d’un véhicule blindé. Les pauvres font toujours peur aux riches.
Après le massacre, les policiers traîne les morts par les pieds, les retournent sans ménagement, laissent les blessés geindre sans faire un geste de secours, certains échangent même des obscénités. Des images révoltantes pour le spectateur qui ne peut pas s’empêcher de revivre les scènes les plus terribles qui se sont déroulées sous le régime d’apartheid.
Un mineur mort n’a pas de valeur, il peut facilement être remplacé par un autre mineur. C’est ce que dit un jeune mineur rescapé, invalide à vie, quand il témoigne devant la commission Farlam : « nous descendons à la mine de générations en générations parce que nous sommes pauvres et illettrés. Et ce sont toujours les mêmes patrons, de père en fils, qui nous exploitent ».
Miners Shot Down envoûte par la beauté de ses images et de sa musique, son rythme qui fait monter l’angoisse comme dans un polar, et il dérange parce qu’il montre, documents à l’appui, que le monde des mines est un système qui broie des vies sans état d’âme pour protéger ses profits. La récompense des Emmy Awards va-t-elle, on ose l’espérer, donner envie à un distributeur de montrer ce bijou sur nos écrans ?
En attendant de voir le film on peut lire Les voix des veuves de Marikana , recueil des dessins et témoignages,traduits, avec un avant-propos par Jacqueline Dérens
Publié le mardi 24 novembre 2015
© RENAPAS
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