Le Comité de soutien aux victimes du massacre de Marikana du 16 août 2012, quand la police a ouvert le feu sur les mineurs en grève, faisant 34 morts et 72 blessés, demande dans une lettre ouverte au Président Zuma la publication rapide du rapport de la commission d’enquête pour connaître toute la vérité sur cette tragédie qui a bouleversé l’opinion publique.
Les signataires s’étonnent qu’un mois après avoir reçu le rapport, le Président Zuma n’a pas encore rendu le document accessible aux familles et au public.
« … Vous devez savoir, Monsieur le Président, combien il est pénible pour les familles de ceux qui sont morts, d’avoir du attendre patiemment deux ans et huit mois pour avoir des explications, d’assister aux travaux de la commission, d’écouter les différents témoignages dans l’espoir que tout ce temps, cet argent et ces efforts aboutiront à une issue juste.
Mais à quoi pourrait ressembler une issue juste ? D’abord, elle doit donner la vérité, autant que possible, si pénible soit-elle. Les familles méritent de savoir pourquoi ceux qui leur sont chers ont été tués par la police qui a utilisé des fusils d’assaut R5. Ces familles méritent de savoir quelles discussions ont eu lieu entre la police, Lonmin et votre Cabinet dans le contexte qui a conduit au massacre. Elles méritent de savoir quelles préparations ont été faites pour la journée du 16 août, pourquoi des fourgons mortuaires ont été commandés le matin avant l’attaque, et pourquoi le personnel médical a été empêché de porter assistance aux blessés dans l’heure cruciale qui a suivi la fusillade. Elles méritent de savoir ce qui s’est passé après. Qui doit être tenu pour responsable ? Ce sont des réponses que n’importe quel proche des victimes mérite d’entendre à l’issue d’une enquête criminelle.
Nous ne savons pas si les réponses à ces questions importantes se trouvent dans le rapport final de la Commission du juge Farlam. Nous savons que vous avez mis cette commission sur pied, pas simplement pour un retour au calme, mais parce que vous vouliez connaître la vérité. Comment pourriez-vous justifier autrement un processus si long et si coûteux ?
Mais il y a un autre enjeu dans cette affaire. Après le massacre, l’opinion publique a pleuré sur notre démocratie. Ce massacre nous a remis en mémoire les horreurs du système d’apartheid. Tant de personnes ont souffert et même sacrifié leurs vies pour que notre peuple retrouve sa dignité. Personne ne s’attendait à ce qu’un groupe de travailleurs mal payés puissent mettre à bas le pouvoir de l’état sous un gouvernement dirigé par l’ANC. Dans une démocratie constitutionnelle, faire grève n’est pas un délit, ni vouloir rencontrer son patron. Des gens respectables sont même aller jusqu’à dire que ce qui était arrivé à Marikana était pire que les massacres comme celui de Sharpeville, parce que celui-là a été planifié.
Quelque soit ce que chacun pense, Marikana reste à ce jour la pire des flétrissures infligée à notre démocratie. Après le massacre vous avez dit : « Aujourd’hui ce n’est pas le moment d’accuser, de montrer du doigt ou de récriminer ».
Maintenant que le rapport de la Commission Farlam est complet, le jour n’est-il pas venu de le faire connaître ? Nous aimerions vous rappeler que vous avez promis que les conclusions de ce rapport seraient annoncées très rapidement. La publication immédiate de ce rapport peut nous faire avancer vers la vérité, et ainsi honorer les droits et la dignité du peuple d’Afrique du Sud. Nous sommes convaincus que cela serait aussi un pas important pour restaurer la foi en notre démocratie.
Monsieur le Président, vous êtes la seule personne qui pouvez prendre la décision de la date de la publication de ce rapport. Nous faisons donc appel à vous pour que le rapport, sans modification, soit rendu immédiatement disponible. Si vous ne le pouvez pas, nous vous demandons de nous expliquer pourquoi vous ne voulez pas donner accès au public des résultats de cette commission d’enquête.
Rehad Desai, documentariste et porte parole de Marikana Support Group Noor Nieftagodien, président du département d’Histoire sociale, Université de Witwatersrand Patrick Bond, directeur du Centre de la société civile, Université du Kwazulu-Natal Trevor Ngwane, secrétaire national du Democratic Left Front Ronnie Kasrils, ancien ministre des Services de renseignement, vétéran de la lutte anti-apartheid Mark Heywood, directeur de l’ONG Section 27 Zwelinzima Vavi, ancien secrétaire général du Cosatu Professeur Peter Alexander, président du Centre de recherches pour le changement social, Université de Johannesburg Jacklyn Cock , professeur émérite de sociologie, université de Witwatersrand Professeur Thea de Wet, directeur du centre de recherches d’anthropologie, université de Johannesburg Professeur Farid Esack, directeur des Etudes religieuses, Université de Johannesburg Leo Zeilig, professeur associé de sociologie, Université du Cap occidental Fred Hendricks, professeur de sociologie, Université de Rhodes Dr. Dale McKinley, écrivain, chercheur et conférencier indépendant Jane Duncan, professeur de journalisme, Université de Johannesburg
traduction Jacqueline Dérens
Publié le jeudi 14 mai 2015
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