Le discours du 2 février 1990 du Président FW de Klerk entrait dans l’histoire en mettant fin à 48 ans d’un système totalitaire fondée sur la différence des races. Au mon de la race, une minorité pouvait mettre à l’écart, refuser tous les droits humains fondamentaux, exploiter, emprisonner, torturer ceux qui avaient une couleur de peau différente. C’était la fin d’un système, ce n’était pas la fin du racisme.
FW De Klerk dans un article du Timeslive revient sur les motivations de sa décision d’ouvrir les négociations avec l’ennemi l’Anc et ses alliés, en précisant d’emblée que, plus que les hommes politiques, ce sont les circonstances qui déterminent le cours de l’histoire, et les circonstances étaient réunies pour qu’il « saute par la fenêtre ».
En sautant par la fenêtre, il prenait acte de l’échec de « la politique de développement séparé » ; l’échec de la politique de la destruction totale de l’ennemi (total onslaught) ; la mise à genoux de l’économie sud-africaine par les sanctions , même si elles étaient loin d’être respectées ; la lassitude de la population blanche de vivre dans un état de guerre permanent, en particulier chez les jeunes de plus en plus nombreux à rejeter le nationalisme effréné de leurs parents et grands-parents.
Sur la scène internationale, les accords de Nkomati amorçaient le retrait des troupes cubaines d’Angola, l’application de la résolution 435 sur l’indépendance de la Namibie était mise en œuvre, et la chute du mur de Berlin en novembre 1989 avait mis fin au monde bipolaire. Une solution négociée devenait possible pour l’Afrique du Sud.
Pour conclure son article F.W De Klerk écrivait « Nous n’avons pas hésité le 2 février 1990, moins de cinq mois après mon arrivée au pouvoir, nous avons sauté par la fenêtre et nous avons atterri finalement dans un pays bien, bien meilleur ».
Un pays bien meilleur l’Afrique du Sud ? Sans aucun doute. Sans faire la liste exhaustive de ce qui a changé pour le meilleur citons le droit de vote universel, les droits fondamentaux de la liberté d’expression, de réunion, l’abolition de la peine de mort, l’amélioration des conditions de vie (logement , eau , électricité). Il est certain aussi que la pauvreté, le chômage, les inégalités sont toujours là et que le racisme ordinaire n’a pas disparu. La crise et les choix politiques des dirigeants sont venus refroidir l’enthousiasme de la victoire. Comme le dit un universitaire dans un langage imagé : « Si Mandela, par son charisme nous a fait croire que nous pouvions marcher sur l’eau, maintenant il faut apprendre à nager ».
Les nuages porteurs de bourrasques racistes sont encore nombreux et font des ravages dans le processus de réconciliation qui est le socle de la transformation de la société sud-africaine. Il y a encore trop d’actes racistes dans les universités, dans les fermes, dans les rapports quotidiens entre les différentes composantes de la nation sud-africaine. Les rapports de domination n’ont pas disparu avec la fin de l’apartheid entre riches et pauvres, entre hommes et femmes, entre patrons et employés.
Les explosions de xénophobie à l’égard des étrangers africains qui ont ensanglanté les townships en 2008 et à nouveau il y a quelques jours, montrent combien le racisme et la haine de l’étranger sont liées aux conditions de vie des victimes comme des bourreaux. Dans la jungle de la pauvreté celui qui apparaît comme plus riche devient suspect et cette suspicion se transforme en haine quand il est étranger.
Si la classe dirigeante fait de l’ethnicité une menace pour la stabilité sociale et manipule les véritables angoisses des laissés-pour-compte à des fins politiciennes, alors il est à craindre que le racisme violent des townships trouve un écho plus feutré, mais tout aussi redoutable pour la démocratie, dans les classes moyennes de la société sud-africaine.
Lire Go Home or Die here Violence, Xenophobia and the Reinvention of Difference in South Africa Un ouvrage collectif de l’Université de Witwatersrand sur les vilences xénophobes de mai 2008
Publié le mardi 3 février 2015
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