Doris Lessing, auteure prolifique était une touche à tout de génie : romans, nouvelles, essais, science fiction, autobiographie, qui explorent les rapports humains, les rapports sociaux, les fractures et drames du siècle dernier. Doris Lessing refusait toute catégorisation de son œuvre et c’est avec ironie qu’elle accueillit sa nomination au Prix Nobel de littérature en 2007.
Dès son adolescence, Doris Lessing fut une rebelle : rebelle contre sa mère, rebelle contre l’éducation de l’institution catholique où ses parents l’avait mise en pension. Après son premier mariage désastreux, elle épouse Gottfried Lessing, un communiste allemand. Elle adhère au Parti communiste sud-africain, car dans la Rhodésie de l’époque, dans le milieu des colons blancs, l’idéologie marxiste n’était pas vraiment tendance. Rebelle et provocante, elle distribue le journal communiste à la porte de la base de la RAF britannique à Salisbury, la capitale de la Rhodésie !
Sa passion était la lecture et très jeune elle se lance dans l’écriture tout en aidant sa mère à la ferme, en élevant ses enfants et essayant de gagner sa vie pour être plus indépendante. Après la guerre, après son deuxième divorce , elle part pour Londres avec son fils Peter et en 1950, publie son premier roman The grass is singing, traduit en français sous le titre Vaincue par la Brousse , histoire de la relation trouble entre une femme blanche qui s’ennuie dans la brousse africaine et son serviteur noir qui finira par l’assassiner. Dès ce premier roman, Doris Lessing se révèle une fine analyste des rapports homme, femme, dominant, dominé dans le milieu étouffant du monde colonial. Ces Nouvelles Africaines ont aussi pour cadre cette Afrique qu’elle aimait, mais qui ingrate, lui refusait de revenir sur les terres de son enfance.
Doris Lessing a publié une cinquantaine d’ouvrages qui lui valurent de nombreux prix littéraires, dont le prix Médecis en 1967 pour Le Carnet d’or, publié en 1962. Un peu avant en 1959, elle avait publié es Enfants de la violence, roman où l’héroïne Martha Quest cherche son chemin dans un monde complexe. Ces romans vaudront à Doris Lessing, outre des louanges, d’être classée comme féministe ce qui l’irritait au plus haut point et provoquera des joutes oratoires mémorables avec les féministes qu’elle avait traitées de « sottes et méchantes ».
Les deux volumes de son autobiographie Sous ma peau et La Marche de l’ombre sont une plongée dans le siècle qui a commencé par la tragédie de la première guerre mondiale, dont son père rescapé de l’enfer et amputé d’une jambe lui faisait le récit inlassablement. Elle relate sa rencontre avec le marxisme, son adhésion au parti communiste jusqu’en 1956, la décolonisation et la rencontre avec de nombreux responsables de cette lutte d’émancipation, son opposition radicale au système d’apartheid. Toutes ses prises de position radicales lui vaudront l’étiquette d’écrivain engagé, ce qui l’agaçait tout autant que l’étiquette féministe dont on voulait l’affubler.
L’un de ses derniers romans The Grandmothers, porté à l’écran, allez savoir pourquoi, sous le titre The perfect mothers , provoqua un scandale à sa parution en 2005 et toujours provocatrice, elle déclara que ce roman n’était pas autobiographique et qu’elle le regrettait bien. Doris Lessing ne laissait jamais le lecteur indifférent, qu’elle raconte le trouble dans une famille bien pensante d’un cinquième enfant pas comme les autres, ou la lutte contre le sida au Zimbabwe dans The sweetest Dream, ce qui déplut fortement à Robert Mugabe ou le rêve de révolutionnaires romantiques dans The good terrorist.
Ce qui rendait furieuse Doris Lessing, la vieille dame en colère, c’était de constater que « plus personne n’est en colère aujourd’hui » et quitte à la mettre en colère encore une fois, nous osons dire que jusqu’au bout elle fut femme, écrivain et témoin de son temps.
Jacqueline Dérens
Publié le mardi 19 novembre 2013
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