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ANC : centenaire doux-amer

Les festivités pour la célébration du centenaire du plus vieux mouvement de libération du continent africain si elles offrent le moment privilégié de rappeler les grands moments de la lutte, d’honorer la mémoire de toux ceux qui ont dénoncé jusqu’à la mort la barbarie du régime colonial et de l’apartheid, dévoilent aussi en filigrane les manques et les erreurs du parti au pouvoir et les inquiétudes pour son avenir.

Les trois jours officiels de célébration ne sont qu’un prélude à une année de célébration, chaque mois sera consacré à rappeler la mémoire d’un dirigeant historique du mouvement autour d’un thème spécifique. Ce sont ces évènements qui auront vraiment un caractère populaire et permettront de voir la réalité en face et d’ouvrir les vrais débats avec la population. Golf, sangomas et services religieux sont plus à destination des invités et des journalistes étrangers que pour la population sud-africaine.

Déjà des associations, comme Khulumani, regrettent que ces manifestations ne donnent pas aussi une place « à tous ces sympathisants de l’Anc, sans en être membres, sans qui la libération n’aurait pas eu lieu ». Tous ces « héros invisibles de la lutte » ont aussi leur place argumente l’association qui se préoccupe du sort des victimes et survivants de l’apartheid et qui estime que la Commission Vérité et Réconciliation n’a pas été au bout du processus et que « la réconciliation sans justice est une réconciliation incomplète ». Le centenaire aurait été une bonne occasion de reprendre le processus et de rendre justice aux innombrables victimes de l’apartheid laissées pour compte.

En marge des festivités, des dirigeants reconnaissent que nombre de promesses formulées en 1994 n’ont toujours pas abouties. La promesse « Une vie meilleure pour tous » aurait besoin d’être comparée à la vie réelle dans les townships où la population noire vit encore dans des conditions déplorables et est trop souvent confrontée à la violence de la misère et du chômage massif des jeunes. Ces jeunes qui n’ont plus la lutte pour canaliser leur énergie et leur soif de vie, mais le recours à l’argent facile de la drogue et de la violence. Ces « born free » qui ne voient pas bien comment rêver leur avenir.

Les inégalités héritées de l’apartheid se sont accentuées, les pauvres sont toujours aussi pauvres et les riches sont toujours plus riches. Mais ce qui rend ces inégalités encore plus cruelles, c’est l’apparition d’une couche de nouveaux riches noirs dont le style de vie est une insulte permanente à ceux qui peinent à assurer leur quotidien.

Les querelles de faction au sein de l’Anc sont oubliées pour quelques jours, mais elles risquent de s’amplifier dans les mois à venir jusqu’en décembre 2012 où dans le même lieu se tiendra la conférence annuelle de l’Anc, décisive pour le choix des dirigeants et les futures élections de 2014. Le dirigeant de la Ligue de la jeunesse Julius Malema, pourtant puni par une mise à l’écart de cinq ans par la direction de l’Anc pour avoir jeté le discrédit sur le mouvement et accusé de « factionnalisme » n’a pas hésité à se rendre dans une township pour y tenir des propos enflammés.

Il ne faut certes pas gâché la fête d’un mouvement qui a donné deux prix Nobel de la paix, le chef Albert Luthuli en 1960 et Nelson Mandela en 1993, conjointement avec F.W. De Klerk, dont les sacrifices de ses militants et la clarté politique de ses dirigeants ont permis d’éviter le bain de sang et d’en finir avec le système d’apartheid. Mais une fois les lampions éteints et les tenues de golf rangées il faudra bien que l’Anc se coltine avec la dure réalité de la politique et rende des comptes à ceux qui attendent toujours une vie meilleure.

Publié le dimanche 8 janvier 2012


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