Afrique du Sud : la violence étudiante en question

Depuis plusieurs jours les actes de violence se multiplient sur les campus universitaires entrainant répression policière, arrestations et renvois de l’université. L’opinion publique qui avait plutôt bien accueilli les revendications des campagnes #Fees must fall ne comprend plus ce déchainement et la presse se fait l’écho des partisans et adversaires de la violence.

Les revendications des étudiants pour la gratuité des frais universitaires avaient réuni étudiants noirs et blancs et un bon nombre d’enseignants avaient apporté leur soutien, car la gratuité de l’éducation est une vieille promesse qui n’a jamais trouvé de concrétisation. Les étudiants pauvres, noirs en majorité, n’arrivent plus à payer des frais en constante augmentation. Les autorités ont entendu le message et examinent comment trouver l’argent pour au moins commencer à répondre à cette demande qui engage l’avenir du pays.

Ces dernières semaines le problème du logement est devenu une revendication urgente. Les universités ont inscrits plus d’étudiants, mais n’ont pas prévu d’hébergement supplémentaire. Ainsi l’université du Cap, UCT, compte quelques 27000 inscrits mais n’offre que 6000 chambres d’étudiants. Pour dénoncer cette aberration, des étudiants ont érigé des baraques et latrines sur la voie publique, la police est intervenue, des étudiants ont été arrêtés et renvoyés de l’université.

Les revendications avaient dépassé le strict cadre étudiant pour inclure la question des emplois précaires du personnel employé par les universités pour l’entretien et l’administration en exigeant que ces emplois deviennent des emplois permanents et mieux rémunérés. Une revendication qui a partiellement été satisfaite avec des emplois précaires transformés en emplois stables.

Toutes les universités sont touchées et les revendications pour améliorer le quotidien des étudiants s’accompagnent aussi de revendications plus sensibles comme l’abandon de l’afrikaans à l’université de Stellenbosh, de Pretoria et de l’Etat libre. Langue associée à l’oppression de la population noire et au pouvoir blanc, la question de l’usage de l’afrikaans reste un sujet récurrent en Afrique du Sud. Des affrontements entre étudiants blancs et noirs ont provoqué la fermeture des universités et Afriforum, le syndicat des fermiers blancs est entré dans le jeu et les accusations de racisme fusent des deux côtés.

Mais les actes violents qui ont ponctué les dernières manifestations ont provoqué des réactions diverses. Pour Robert Morrell, un universitaire, cette violence est l’héritage d’une histoire violente : esclavagisme, colonisation puis apartheid. Il souligne aussi que la société patriarcale qui valorise l’expression d’une masculinité agressive et l’impunité dont les auteurs de violence et féminicides bénéficient est un signe d’encouragement à une violence sans limite. http://www.dailymaverick.co.za/arti...

Dans le quotidien en ligne Daily Maverick, un journaliste donne la parole aux avis contradictoires sur l’usage de la violence. Des étudiants soutiennent que la violence est la seule façon de se faire entendre pour finalement transformer l’ordre des choses existant, alors que des responsables de quartiers dénoncent la violence qui se retourne contre des populations innocentes.

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Les partis politiques font aussi entendre leur voix, et tout a fait inhabituel le parti de Julius Malema, le parti des Combattants de la liberté économique, l’Alliance -démocratique et le parti au pouvoir Anc condamnent tous l’usage de la violence, mais avec des nuances. Pour EFF, l’abandon de l’afrikans comme langue d’enseignement est une bataille pour l’abolition des privilèges de la population blanche et rappeler qu’il existe 11 langues officielles. Le Sacp dit à peu près la même chose quand il dénonce la transformation beaucoup trop lente des universités « Des attitudes d’un autre âge envers la politique des langues, parmi d’autres obstacles, freinent le développement d’un environnement non-racial ». L’Anc dans un communiqué rappelle que la constitution garantit le droit de protestation et que c’est pour cela que l’Anc a soutenu de multiples actions de protestation y compris celles des étudiants et que tous les Sud Africains doivent défendre les droits démocratiques chèrement acquis.

Les révoltes étudiantes dépassent largement le cadre de simples revendications matérielles et sont au cœur des enjeux pour la transformation en profondeur de la société sud-africaine et rappeler que les promesses doivent être tenues.

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