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Incendie à Johannesburg, un drame annoncé

L’incendie qui a ravagé un immeuble vétuste en faisant 77 victimes n’a surpris personne sauf les autorités. Pourtant la municipalité sait que ces 188 bâtiments squattés ne peuvent pas répondre au manque de logements endémique et aux 100 000 personnes qui vivent dans les rues de l’ancienne capitale économique du pays.

L’abandon du centre-ville saute aux yeux de n’importe qui s’aventure aujourd’hui dans des quartiers qui faisaient autrefois la vie de Eboli, la ville de l’or. Abandonné le Carlton Centre, autrefois quartier commercial et d’affaires ! Abandonné Yeoville, autrefois quartier grouillant de vie, de bars et de restaurants ! Abandonné Hillbrow vibrant de musique. Les affaires se font à Sandton, et les nouvelles classes moyennes vivent dans des quartiers résidentiels excentrés, gardés par des compagnies de sécurité, font leurs courses dans des centres commerciaux sans âme et vont aux restaurants dans les succursales de grandes chaînes hôtelières. Tous ces quartiers sont reliés par des réseaux routiers engorgés, car ici la voiture individuelle est reine.

Les bâtiments du centre-ville, y compris des bâtiments historiques comme celui qui a brulé et qui, au temps de l’apartheid abritait l’administration qui distribuait les « pass » aux populations non blanches, document sans lequel ces populations ne pouvaient ni trouver un travail, ni circuler, sont occupés par les plus pauvres des plus pauvres. Les propriétaires sont introuvables et souvent de prétendus propriétaires extorquent sous la menace des loyers exorbitants pour « les sans rien » : sans revenus, sans papiers, sans aide sociale.

The Inner City Federation (ICF) une organisation de la société civile lutte actuellement pour empêcher l’expulsion d’une cinquantaine de ces squatters. Elle défend le droit au logement de ces gens devant les tribunaux. Un droit reconnu dans la Constitution et plus précisément dans The National Housing Code (NHC) qui spécifie que la taille minimale d’un logement doit être de 40 mètres carrés, avec des toilettes, une douche et un lavabo séparés, deux chambres, un coin salon cuisine et une installation électrique. Le rêve, inaccessible pour des millions de personnes à la recherche d’un toit, comme le souligne Carla Robb dans son étude universitaire Housing for the Poor. Seules les personnes justifiant d’un revenu suffisant peuvent accéder à un logement décent, ce qui est contraire à la Constitution.

Au temps de l’apartheid, la question du logement avait été évacuée par l’application de la Loi sur la Résidence qui assignait à la population non blanche des quartiers spécifiques, townships en marge des villes et bantoustans dans les zones rurales. La géographie de l’apartheid est bien documentée par de nombreuses études et l’Anc savait en prenant le pouvoir en 1994 que cette question serait l’une des plus difficiles à résoudre. Son plan de constructions sociales conforme au plan national RDP, Plan de redistribution et de développement, a bien permis la construction de maisonnettes, mais le clientélisme et la corruption ont vite fait dérailler le processus. L’afflux des populations rurales vers les villes et l’immigration massive des pays voisins n’ont fait qu’amplifier le problème. De l’aveu même du responsable au logement pour la province du Gauteng, il faudra plus de 100 ans pour résoudre le manque de logements.

La ville de Johannesburg a recensé 188 bâtiments occupés illégalement mais dont les supposés « propriétaires » extorquent entre 600 à 1200 rands, soit de 30 à 60 euros, de loyer par semaine à des locataires qui vivent dans la crasse, sans eau ni électricité et la crainte d’être expulsés. Aussi quand après le drame, Kenny Kunene, responsable des transports a déclaré “Nous devons amender la loi sur les expulsions parce qu’elle protège les criminels » et de demander « la déportation massive des immigrants illégaux qui habitent dans ces bâtiments » les associations ont vertement dénoncé ces propos xénophobes comme Abahlali baseMjondolo ou the Socio-Economic Rights Institute (Institut pour les droits socio-économiques ». La Fondation Ahmed Kathrada a exprimé son indignation en affirmant « le fond du problème est la crise du logement toujours plus importante et pour lequel il ne semble pas y avoir un plan à la hauteur des enjeux. Cette crise doublée d’une administration désastreuse de la ville a laissé aux marchands de sommeil et au crime organisé la gestion des bâtiments ».

Il y a cinq ans, un faux propriétaire a été arrêté pour avoir extorqué des loyers aux 140 migrants illégaux du 80 Albert Street. Le jour de l’incendie 200 migrants occupaient les lieux, dont des femmes et des enfants. Cette négligence coupable des politiciens a coûté la vie à 77 personnes et mis les survivants dans une situation humanitaire terrible. Même si la section 26 de la Constitution reconnait le droit à chacun d’un toit et interdit les expulsions illégales et si Les Juristes pour les Droits humains (LHR) s’efforcent de la faire respecter, ceux qui vivent dans les bâtiments insalubres du centre de Johannesburg ne voient pas comment sortir de cet enfer. "Les gens s’installent dans ces bâtiments , non pas pour contrevenir à loi, mais parce qu’ils n’ont nulle part ailleurs où aller ".

Publié le samedi 9 septembre 2023


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