Un fonds de 2 milliards de rands avait été abondé pour payer des indemnités de réparation aux victimes des crimes de l’apartheid que la TRC avaient identifiées. Cet argent repose dans les coffres d’une banque plus de 20 ans après la fin de cette commission qui avait pour mission la réconciliation du peuple sud-africain. L’argent est bien gardé, les inégalités se creusent et les victimes meurent.
Un fonds de 2 milliards de rands avait été abondé pour payer des indemnités de réparation aux victimes des crimes de l’apartheid que la TRC avaient identifiées. Cet argent repose dans les coffres d’une banque plus de 20 ans après la fin de cette commission qui avait pour mission la réconciliation du peuple sud-africain. L’argent est bien gardé, les inégalités se creusent et les victimes meurent.
Quand Desmond Tutu, le 31 octobre 1998 avait remis au Président Mandela le rapport final de la Commission qu’il présidait, les 21 519 victimes des atrocités du régime d’apartheid qui avaient témoigné de 30 384 graves violations des droits humains, espéraient que le gouvernement suivrait les recommandations de la TRC pour ouvrir de nouvelles enquêtes et poursuivre en justice les bourreaux à qui on avait refusé l’amnistie. Trois mille cinq cent pages d’horreurs n’ont pas ému les gouvernements successifs et qui loin de suivre la trajectoire impulsée par Nelson Mandela qui avait accepté « ce rapport comme il est, avec toutes ces imperfections, comme une aide pour aider à réconcilier et construire notre nation », dont la sourde oreille. Comme si ignorer le passé permettait de le faire disparaitre à tout jamais.
Alors que le dernier rapport de la Banque mondiale classe l’Afrique du Sud comme le pays le plus inégalitaire au monde, le gouvernement n’a pas jugé utile de distribuer cet argent dédié aux victimes de l’apartheid pour alléger la vie ordinaire et rendre leur dignité à ceux qui ont été déshumanisés par la violence du régime d’apartheid. Interpellé par un député, le Ministre de la Justice Ronald Lamola a admis qu’un seul projet d’aide à une communauté avait été réalisé jusqu’à présent, l’argent utilisé ayant servi seulement à l’exhumation des corps de quelques victimes ou à verser des bourses pour l’éducation des enfants de quelques familles de victimes. Même si ces indemnisations financières représentent peu comparé aux immenses besoins des plus pauvres, cette négligence ne rappelle que trop et offre en miroir l’image désastreuse de l’économie au temps de l’apartheid : beaucoup pour les riches, peu pour les pauvres.
L’état sud-africain n’a pas montré non plus beaucoup d’empressement à suivre les recommandations de la TRC qui demandait de nouvelles enquêtes sur environ trois cents cas pour lesquelles, soit les bourreaux n’avaient pas obtenu l’amnistie, soit la TRC manquait d’éléments pour se prononcer clairement. C’est la ténacité des familles à faire toute la vérité sur la mort suspecte de leur proches, comme dans le cas d’Ahmed Timol ou Neil Aggett, le premier militant indien de l’Anc et du Parti communiste, le second syndicaliste blanc, morts tous les deux sous la torture, qui a permis l’arrestation de suspects. Mais le temps passe et les bourreaux meurent aussi. Avec leur disparition, disparaissent les preuves des crimes d’apartheid, pourtant déclarés imprescriptibles. Le 5 février 2019, un groupe d’anciens commissaires à la TRC avaient, dans une lettre adressée au Président Ramaphosa, demandé des excuses aux victimes et la nomination d’une commission d’enquête sur l’interférence politique qui avait abouti à la suppression de certains cas sensibles traités par la TRC. Il n’y a toujours pas de réponse.
Le cas de l’assassinat de Dulcie September à Paris le 29 mars1988 fait partie de ces cas qui embarrassent les états. Seul meurtre d’un membre de l’Anc commis en dehors de l’Afrique, dans un pays connu pour son double langage vis- à vis du régime d’apartheid : condamnation verbale, mais abstention lors du vote des sanctions aux Nations unies, violation de l’embargo sur les ventes d’armes et de pétrole, la France était-elle à ce point compromise qu’un assassinat pouvait se perpétrer sur son sol sans risque pour les commanditaires et exécutants ? Probablement. Mais la famille de la représentante de l’ANC en France veut savoir la vérité et comme les familles de Ahmed Timol ou Neil Aggett, elle ne baisse pas les bras et dénonce le déni de justice dont elle est victime, 34 ans après le meurtre de Dulcie Septembre.
Publié le samedi 12 novembre 2022
© RENAPAS
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