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Pelote d’embrouilles pour les éleveurs de moutons du Lesotho

La laine mohair fait vivre 37000 éleveurs du Lesotho, ce petit pays enclavé dans l’Afrique du Sud. Khotsang Moshoeshoe a été arrêté par la police parce qu’il dénonce une entourloupe et que l’association qu’il préside, vient de porter l’affaire devant la cour constitutionnelle du pays et la mission de la SADC (Communauté de développement d’Afrique australe).

Depuis le mois d’août dernier, le gouvernement exige des éleveurs et producteurs de laine mohair qu’ils vendent leur production à Maseru Dawning , une entreprise dirigée par un homme d’affaires chinois, Guohui « Stone » Shi, et qu’ils arrêtent tout commerce avec BKB, un courtier sud-africain. Depuis plus de 40 ans, la laine du Lesotho est vendue aux enchères à Port-Elizabeth par BKB qui paye ensuite chacun des éleveurs. Les éleveurs refusent la nouvelle réglementation parce qu’ils n’ont pas été consultés, que la laine leur appartient et qu’ils veulent la vendre à qui ils veulent et que cette nouvelle réglementation va en fait favoriser des intérêts privés.

Le ton est monté, les éleveurs ont manifesté dans les rues de Maseru, la capitale, et le ministre du commerce a fait fermer les enclos pour la tonte des moutons par la police et l’armée. Moshoeshoe, le meneur, accusé de sédition est à l’hôpital pour diabète et hypertension, en attendant son inculpation et la laine invendue s’accumule.

Parmi ceux que l’on accuse de vouloir faire leur pelote sur le dos des éleveurs, on trouve le Premier ministre et sa femme, mais la Première dame du pays à déclarer ne pas s’intéresser au tricot, et trois ministres qui viennent tout juste de faire enregistrer une entreprise dont la raison d’être est « l’amélioration de l ‘élevage de la chèvre et du mouton, de la laine et du mohair ». Il est peu courant, même au Lesotho, de voir un ministre de l’énergie, du commerce ou des petites entreprises monter une entreprise en cours de mandat.

Les intéressés ont assuré que leur entreprise Masimo a Matala avait pour ambition, non pas la laine, mais le développement de la culture des légumes en coopération avec l’Afrique du Sud voisine. L’association des éleveurs et l’opposition au gouvernement montrent aussi du doigt le conseiller commercial du Premier ministre, l’homme d’affaires chinois Yan Xie, connu ici sous le nom de John et l’accusent d’avoir soufflé les nouvelles directives à l’oreille du Premier ministre dans le but de favoriser la communauté chinoise installée au Lesotho aux dépens des Basotho locaux. L’intéressé a fortement démenti toute implication dans ses nouvelles directives, a même dit qu’il était très déçu et qu’il mettait tout le monde dans le même panier, les éleveurs avec leurs moutons et le gouvernement avec ses nouvelles réglementations.

Depuis 2008, Yan Xie, alias John, se tue à expliquer au gouvernement qu’il doit laisser venir dans la bergerie du Lesotho, la compagnie chinoise Ningbo ETDZ Holdings, qui a les ressources pour développer l’industrie lainière sur place avec au moins 30 000 emplois en prime. Evidemment lui-même aurait des actions dans l’entreprise.

En février 2018, le gouvernement avait gelé le compte bancaire de BKB pour soupçon de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. BKB avait plaidé sa cause devant la justice qui avait rejeté ses accusations sans fondement. Le fisc avait alors réclamé une somme rondelette à BKB pour des taxes non payées. BKB a aussitôt fait appel a des cabinets d’audits pour prouver qu’il avait bel et bien payé tout ce qu’il devait au fisc du Lesotho. Toute une série de déclarations et démentis de l’une et l’autre partie a suivi pour arriver à la conclusion que tout cela était un vrai casse-tête chinois et que pour simplifier les choses, le gouvernement avait décidé de localiser vente et transformation de la line sur place, au Lesotho.

Les éleveurs ont dénoncé ces accusations contre BKB comme une grossière entourloupe parce que BKB ne se contente pas de vendre la laine, mais il fournit aussi des fonds aux éleveurs pour les soins sanitaires aux troupeaux et bâtir enclos et bergeries, ce que refusent les banques du Lesotho. Aussitôt les éleveurs ont été accusés d’être des agents du BKB complotant avec les partis d’opposition.

De son lit d’hôpital Moshoeshoe ne désarme pas : « nous les producteurs, n’avons pas été consultés. Si le gouvernement n’agit pas pour nos intérêts, pour les intérêts de qui agit-il ? »

Quant au patron de Maseru Dawning, Guohui « Stone » Shi, il jure ses grands dieux qu’il n’a aucun contact avec son concitoyen Yan Xie, alias John, et que si quelqu’un a été tondu ras dans cette affaire, c’est bien lui, puisque les entrepôts construits à ses frais restent vides. Les éleveurs refusent d’y apporter leur laine car ils n’ont aucune garantie sur le prix offert, ni sur la date d’échéance du paiement.

Le petit Lesotho a deux atouts : l’eau de ses montagnes et ses moutons qui donnent la plus douce laine mohair du monde, mais il n’a pas de chance. L’eau de ses montagnes est détournée vers l’Afrique du Sud assoiffée grâce au gigantesque projet Lesotho Highlands Water Project (LHWP) et la Chine veut tondre ses moutons.

Source amaBhungane, centre pour le journalisme d’investigation amaBhungane désigne le bousier en langue zoulou

Publié le jeudi 18 octobre 2018


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