Le nouveau ministre des mines en intervenant dans le conflit des mines de platine met la crédibilité du gouvernement en jeu. L’enjeu est national et si le travail reprend, le secteur minier ne pourra pas faire l’économie d’une révision de son fonctionnement et la hiérarchie des salaires dans tous les secteurs sera à revoir.
Deux jours après sa nomination Ngoako Ramathlodi a réuni les principaux acteurs du conflit qui dure depuis le 23 janvier, les dirigeants des trois compagnies Lomin, Amplats et Implats, du syndicat Amcu et des représentants du ministère des finances et du travail.
La grève affecte durement l’économie sud-africaine qui pour la première fois a vu son PIB chuté depuis 2009. Les compagnies minières ont perdu 20 milliards de rands et les travailleurs qui n’ont pas touché de salaires depuis quatre mois n’arrivent à survivre qu’avec l’aide des associations caritatives.
Les mines de platine sont d’une importance cruciale pour l’économie sud-africaine car c’est le secteur qui a le plus progressé ces vingt dernières années et qui a le plus d’avenir. L’Afrique du Sud détient 87% des réserves mondiales de platine et les trois compagnies touchées par le conflit contrôlent toute la production sud-africaine, ce qui leur donne aussi le pouvoir d’influencer les cours mondiaux.
Un autre aspect de l’importance de ces mines dans le paysage économique et politique sud-africain est la place de la politique du Black Economic Empowerment qui a permis la création d’une nouvelle bourgeoisie noire. Cyril Ramaphosa, Patrick Motsepe, Bridgette Radebe ont fait fortune dans le platine avant de diversifier leurs activités. Ces nouveaux capitalistes ont rejoint l’élite blanche qui a sous sa coupe toute l’économie sud-africaine et partagent la même idéologie.
La richesse de l’économie sud-africaine a toujours reposé sur l’exploitation d’une main-d’oeuvre noire à bon marché, ce qui permettait d’engranger des profits colossaux. La fin de l’apartheid a apporté des changements fondamentaux pour les droits politiques, mais peu de changements pour les droits économiques. Le prix de l’once de platine est passé de 350 dollars en 1999, à 2710 dollars dix ans plus tard.Les actionnaires ont empoché les profits, pas les mineurs.
Les travailleurs ont le droit de faire grève, d’avoir recours à des tribunaux en cas de contestation, mais en ce qui concerne les négociations salariales la bataille est rude avec un patronat, blanc ou noir, qui veut un profit maximal en maintenant les salaires les plus bas possibles.
L’enjeu de la grève des mineurs de platine est crucial : si le patronat cède et accorde les 12500 rands par mois de salaire de base qu’exige Amcu, il y aura des répercussions dans les autres secteurs d’activité, d’autant plus que traditionnellement les mois de juin et juillet sont les mois où s’engagent les négociations salariales. Des grèves dans la métallurgie sont déjà à l’ordre du jour, ainsi que dans la chimie et l’agro-alimentaire.
Le problème est aussi politique car le Cosatu se bat pour des salaires décents (living wage) et un salaire minimal garanti dans les secteurs où les travailleurs sont les plus exploités : les ouvriers agricoles et les domestiques. Le nouveau ministre de l’agriculture, un ancien syndicaliste, a crée le scandale qu’on a appris qu’il payait à celui qui s’occupe de ses vaches, le ridicule salaire de 800 rands par mois, soit à peine 2 euros par jour et que ce dernier travaillait tous les jours de la semaine. Le salaire mensuel minimal pour les travailleurs agricoles est actuellement de 2420 rands par mois et le Cosatu se bat pour que ce salaire soit payé à tous les travailleurs agricoles. Dans une déclaration, le Cosatu demande « au camarade ministre » de respecter la législation en vigueur.
La demande symbolique de 12 500 rands par mois pour les mineurs traduit la frustration des travailleurs qui ne récolte aucun bénéfice, alors que les compagnies ont versé plus de bénéfices aux actionnaires qu’ils n’ont versé de salaires. Entre 2000 et 2008, Implats et Amplats ont versé respectivement 45 818 et 90 312 millions de rands aux actionnaires contre 42 425 et 89 460 millions de rands pour les salaires.
Les discussions continuent après les dernières propositions faites par le patronat, Amcu réservant encore sa réponse avant de consulter les grévistes. Le Ministre espère que le conflit trouvera une réponse dans les jours à venir. Mais d’ores et déjà cette grève laissera une empreinte forte sur les nouveaux rapports de forces dans l’économie sud-africaine.
Plus d'informations : Cosatu Media monitor
Publié le jeudi 5 juin 2014
© RENAPAS
© RENAPAS
Pour nous contacter
Conception du site : AB
Site réalisé sous SPIP