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Cyril Ramaphosa, l’image ternie d’un héros de la lutte anti-apartheid

La commission Farlam chargé de faire la lumière sur le massacre de Marikana a commencé ses travaux par un coup de tonnerre : la divulgation par un des avocats des 200 mineurs arrêtés à Marikana de courriers électroniques bien compromettants pour un des actionnaires de la compagnie minière Lonmin, Cyril Ramaphosa.

Cyril Ramphosa est l’un des héros de la lutte contre l’apartheid. Il avait choisi le syndicalisme pour développer ses talents d’organisateur et avait fait du Num, le syndicat des mineurs un puissant instrument de défense de la classe ouvrière. Il était à la tête du syndicat des mineurs en 1987 pour diriger la grève la plus emblématique de la force de la classe ouvrière organisée contre un des bastions du capitalisme blanc sud-africain.

Ces qualités de négociateur se sont pleinement révélées dans la difficile période des négociations avec le gouvernement de De Klerk entre 1990 et 1994 au sein de la Codesa (Convention pour une Afrique du Sud démocratique). Donné comme favori à la succession de Nelson Mandela, au grand dam de ses admirateurs et partisans, il a choisi de laisser la politique de côté pour faire des affaires.

Il devient le symbole même de la réussite du Black Economic Empowerment, cette politique qui veut donner aux Noirs la possibilité de conquérir le pouvoir économique dont le régime d’apartheid les a privés. La réussite est totale et Cyril Ramaphosa troque son t-shirt rouge et noir de syndicaliste pour le costume et la cravate de l’homme d’affaires avec la BMW qui va avec la fonction.

Fondateur et PDG du groupe Shanduka, un fonds d’investissement dans divers domaines : énergie, assurances, banques et télécommunications, il siège aussi dans les conseils d’administration de nombreuses autres sociétés. Il est un des actionnaires de Lonmin, la compagnie minière propriétaire de Marikana.

Mails il n’a jamais vraiment abandonné la politique et il est resté fidèle à l’Anc dont il est un des membres du Conseil exécutif national. Il a toujours de fidèles partisans qui voudraient qu’il assume de plus grandes responsabilités et son nom revient régulièrement comme favori pour le poste de président de l’Anc quand le parti traverse une crise de leadership, comme c’est le cas aujourd’hui.

Affable et discret, il a quand même cédé aux sirènes des signes extérieurs de richesse en achetant aux enchères une vache et son veau pour la somme de 18 millions de rands, achat dont il s’est excusé plus tard « c’était une erreur, je la regrette parce que dans cet océan de pauvreté, c’est cher payé…c’était un de ces moments où j’ai été aveuglé ».

Mais l’affaire des courriers électroniques échangés avec la direction de Lonmin la veille du massacre de Marikana est d’une toute autre nature. Dans un de ces messages il a écrit « …il ne s’agit pas d’un conflit du travail. Ces évènements sont clairement des actes criminels et doivent être définis comme tels. Il faut une action concomitante pour répondre à cette situation ». Le lendemain la police intervenait en tirant à balles réelles et 34 mineurs trouvaient la mort et 72 étaient blessés.

Quelques jours après la tragédie, Cyril Ramaphosa fit des excuses publiques en déclarant à la radio « Je pense que nous actionnaires sommes à blâmer. La tragédie de Marikana n’aurait jamais dû arriver, nous sommes tous responsables et certains actionnaires doivent assumer cette responsabilité. Et en assumant cette responsabilité cela veut dire que nous devons faire que cela n’arrive plus jamais ». Et deux jours après le massacre, sa compagnie Shanduka annonçait qu’elle faisait un don de deux millions de rands pour aider les familles à payer les frais des obsèques.

C’est à la commission d’enquête à déterminer les responsabilités des uns et des autres et de juger du poids des messages échangés dans la tragédie. L’avocat des mineurs est aussi celui de Julius Malema et de la ligue de la jeunesse et cela ne fait qu’attiser les passions, mais des questions restent posées. Pourquoi Cyril Ramaphosa qui connait bien le monde des mines et qui a des liens avec le parti au pouvoir n’a pas cherché à discuter avec toutes les parties pour trouver une issue pacifique à ce conflit ? Pourquoi n’a-t-il pas parlé de ses messages plus tôt ? A-t-il vraiment basculé dans le monde des affaires au point d’oublier son passé ?

Sa réussite grâce à la politique du Black Economic Empowerment pose la question de fonds sur la validité d’une politique qui a permis à quelques anciens de la lutte de devenir millionnaires sans vraiment changer la nature de la société la plus inégalitaire au monde et en laissant sans réponse les questions de la pauvreté et du chômage qui minent la société sud-africaine.

Plus d'informations : cosatu Media Monitor

Publié le vendredi 26 octobre 2012


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