Après cinq semaines d’affrontements et 45 morts, le conflit de la mine de Marikana prend fin après l’obtention par les mineurs d’une augmentation de 22% de leur salaire mensuel. Les mineurs vont redescendre à la mine, mais leurs conditions de travail, l’environnement des mines, les rapports avec la direction ont besoin de sérieusement être revus. La tragédie de Marikana va certainement ouvrir une nouvelle ère dans le monde minier.
Les représentants des mineurs ont finalement obtenu une augmentation de salaire jamais obtenue au cours des négociations salariales faites sous le patronage des syndicats, en particulier du Num, majoritaire dans les mines.
La déclaration de la direction de Lonmin est sans équivoque « .. Lonmin a le plaisir de vous annoncer qu’un accord a été obtenu et que, comme convenu, le travail va reprendre jeudi 20 septembre ». L’accord conclu avec la médiation du Président du Conseil des églises d’Afrique du Sud est le suivant : 11000 rands pour les foreurs, 13000 rands pour les chefs d’équipe et 9883 rands pour les mineurs ordinaires, plus une prime de 2000 rands pour tous.
Ce que les mineurs ont obtenu est très proche des 12500 rands qu’ils réclamaient, beaucoup trop pour les patrons miniers qui craignent que les mineurs dans les autres secteurs miniers demandent le même traitement, ce qui serait très lourd à supporter pour une industrie qui a besoin de se réformer et qui n’a pas l’habitude de redistribuer ses bénéfices aux travailleurs, mais à ses actionnaires.
Tous les observateurs du conflit s’accordent à dire que les choses vont changer après cette victoire obtenue sans la participation du Num, le syndicat majoritaire dans les mines. Pour Crispen Chingulo, un chercheur de l’université de Witswatersrand, cette victoire va renforcer le militantisme chez les mineurs qui ont la démonstration qu’il faut se battre pour obtenir satisfaction. L’autre leçon du conflit c’est que les syndicats reconnus comme le Num ne sont plus à l’écoute de la base, que l’Anc n’a pas su agir pour désamorcer le conflit et que le gouvernement n’a pas trouver d’autres solutions que la force de sa police et de son armée pour faire respecter l’ordre.
Les organisations de la société civile, les juristes, les universitaires qui se sont retrouvés à Marikana pour venir en aide aux familles et aux habitants du bidonville qui entoure la mine ont tous le sentiment que le conflit n’est pas seulement un conflit pour de meilleurs salaires, mais un conflit qui ouvre la voie à une lutte beaucoup plus large et de longue haleine : un changement radical des conditions de travail et de vie autour des mines.
Un article du Business Day fait remonter la question des conditions de travail à 1867 quand les mines ont commencé à fonctionner. Depuis Cecil Rhodes, les compagnies minières et les dirigeants politiques ont imposé des conditions de vie détestables aux mineurs : le travail migrant, les emplois réservés aux Blancs, les compounds immondes et aujourd’hui l’allocation pour vivre en dehors du compound qui a des effets pervers.
Cette allocation a permis aux companies minières d’éviter le financement des travaux de conversion des compounds en lieux de vie acceptable pour les familles de mineurs. Le mineur qui vit en dehors du compound ne vit plus sur le territoire de la mine et la compagnie se lave les mains de la façon dont il vit. Le résultat c’est la construction d’un bidonville autour de la mine où viennent s’entasser non seulement des mineurs et leurs familles, mais toute sorte de gens, prostituées, gangsters etc. Pour la compagnie, le bidonville c’est l’affaire de la municipalité, pour la municipalité, c’est l’affaire de la mine puisque ce terrain appartient à la mine. Tout le monde se renvoie la balle et le résultat est le grand sentiment d’abandon exprimé par les habitants du bidonville.
Changer les conditions de vie dans les mines et autour des mines est devenu l’enjeu de Marikana et Mark Heywood responsable de l’association Section 27 qui affirmait dans les réunions que la Constitution était la meilleure arme des mineurs et de leurs familles soulevait la question de fond de la tragédie de Marikana : les mineurs ne veulent plus travailler et vivre comme au temps de la colonisation et de l’apartheid. Ils veulent vivre dignement dans un pays démocratique.
Jacqueline Dérens
Publié le mercredi 19 septembre 2012
© RENAPAS
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