Avec la mort de Pravin Gordhan disparait un des vétérans de la lutte contre l’apartheid et un combattant déterminé contre la corruption qui dévaste les rangs de l’ANC depuis des années et qui atteint son apogée avec la présidence de Jacob Zuma à la tête de l’Etat.
Pravin Gordhan est né en 1949 à Durban dans la communauté indienne, à 22 ans il rejoint les rangs du Natal Indian Congress, puis dans les années 1980 il est l’un des dirigeants du United Democratic Front, ce vaste mouvement de masse contre l’apartheid, un acteur clé de la chute du régime. Après les élections de 1994, il est élu député de l’ANC et il est nommé à la tête du service des impôts en 1996 où il a joué un rôle fondamental dans la restructuration de ce service pour faire rentrer de l’argent dans les caisses laissées vides par le régime d’apartheid. Il transformera complètement le service de collecte de l’impôt au point qu’avec Trevor Manuel, ministre des finances, il réussira à faire du budget de l’Afrique du Sud, un budget excédentaire pour la première et seule fois de l’histoire du pays.
Il est nommé ministre des finances de 2009 à 2014, puis après un épisode rocambolesque de chaises musicales ministérielles, de 2015 à 2017 dans le gouvernement Zuma et commence alors son combat contre le pillage systématique des caisses de l’état et des entreprises publiques au profit de la famille Gupta et leurs complices au sein du gouvernement de l’ANC, ce que l’on a appelé State Capture ou Guptagate ou Zuptarisation de l’économie.
Cette lutte atteint son apogée quand il est limogé en 2017 avec son vice-ministre Mcebisi Jonas par Zuma pour avoir osé s’opposer à un marché illégal d’achats de centrales nucléaires à la Russie et que tous deux sont accusés de fraudes par un procureur général fantoche à la solde de Zuma et des Guptas. Une manifestation de soutien à Pravin Gordhan va se transformer en un mouvement massif pour dénoncer l’incurie du gouvernement et le pillage des ressources du pays, qui va réunir outre les 101 signataires d’une lettre adressée au Président Zuma, de nombreuses associations, des juristes, des églises et même des PDG de 80 entreprises.
Le choc des élections municipales de 2017 quand l’Anc perd la direction des grandes métropoles du pays a provoqué des fractures profondes au sein de l’Anc et de ses alliés, le Cosatu et le Sacp. Le gouvernement sud-africain traverse alors une crise sans précédent dont les conséquences politiques et économiques vont se révéler désastreuses pour le pays. Le ministre des Finances, Pravin Gordhan aura bien du mal à éviter que le pays ne soit dégradé au rang de « junk state » par les agences de notation et l’Afrique du Sud est regardée avec suspicion par les investisseurs étrangers.
Depuis l’annonce de sa disparition le 13 septembre 2024, les hommages se multiplient, un hommage national a été rendu à un incorruptible dont les derniers mots ont été « nous avons fait notre part …je ne regrette rien ».
Jacqueline Dérens, autrice et ancienne militante anti-apartheid
Publié le dimanche 22 septembre 2024
© RENAPAS
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