La province du Cap occidental est connue pour les affrontements entre gangs rivaux qui se disputent tous les trafics du monde. Tous les coups sont permis : rackets, kidnappings, meurtres. Les armes circulent librement et la frontière est floue entre la police et les criminels. Des parents de victimes de ces tirs croisés viennent de lancer un recours collectif devant la justice.
Entre 2010 et 2016, une enquête sur un trafic d’armes entre la police et les gangs, qui avait abouti à l’inculpation d’un ancien policier, Chris Prinsloo, faisait état de 261 enfants blessés par balles, dont 187 mortellement, de 1607meurtres et de 1403 tentatives de meurtres. Une association Gun Free South Africa (GFSA)a décidé de demander des comptes au Ministre de la police Bheki Cele. « Les plaignants sont des parents d’enfants blessés, des parents des victimes tués et ceux qui ont survécu à des blessures infligées par une arme à feu Prinsloo ».
Une arme Prinsloo fait référence à ce policier, Chris Prinsloo, arrêté en 2015, qui admit avoir vendu au moins 2000 armes qui auraient dû être confisquées par la police, à un homme d’affaire de Rondebosh , dans la banlieue du Cap, qui a lui-même confessé les avoir revendues à des gangsters. Un collectionneur d’armes, chez qui la police avait trouvé des stocks d’armes de l’armée, fut aussi arrêté. Ces arrestations furent le résultat du Project Impi, dirigés par deux anciens officiers de MK, l’aile armée de l’Anc, Jeremy Vearey and Peter Jacobs, qui avait pour but de démanteler le réseau de policiers ripoux qui vendaient des armes aux gangsters du Cap et aussi à des trafiquants étrangers, au lieu de les détruire. En Juin 2016 Vearey et Jacobs furent démis de leurs fonctions et ils furent soupçonnés de corruption , une fausse rumeur utilisée pour brouiller les pistes.
Cette collusion police et gangstérisme remonte au temps de l’apartheid, quand le pouvoir cherchait par tous les moyens à détruire l’ennemi. Une méthode connue consistait à se servir des militants faits prisonniers et contre promesse de vie sauve et d’argent à les amener à trahir leurs anciens camarades. Ces « Askaris » sont restés actifs après 1994. Avec l’arrivée au pouvoir de l’Anc, les anciens soldats de MK ont intégré, soit les forces armées sud-africaines (SADF), soit la police (SAP) et ont donc eu pour collègues des soldats et policiers qui avaient été au service du régime d’apartheid. Ce mélange détonnant était un terreau favorable dans une période de transition, pour que ceux qui ne voulaient rien perdre et ceux qui voulaient profiter de l’aubaine pour se remplir les poches, se rapprochent du monde interlope et prennent possession des compagnies de sécurité qui protègent night- clubs et trafic de drogue, les tablettes de mandrax, déjà florissant sous l’apartheid.
Le Group Areas Act de 1950 qui a chassé de leurs quartiers des milliers de résidents non -blancs pour les entasser dans des zones réservées, comme les Cape Flats, a favorisé l’explosion de la criminalité et son exploitation par le régime d’apartheid pour traquer les opposants au régime. La pauvreté, la dislocation des liens sociaux ont fourni à la police une foule d’indics, tout en favorisant la création de gangs qui étaient souvent le seul lieu où des jeunes pouvaient trouver une certaine forme de socialisation. Les quartiers qui se trouvent dominé par un gang ou un autre, deviennent alors des chasses gardées, défendues par les armes. Ces gangs sont aussi utilisés en période électorale par tous les partis qui se disputent le pouvoir sur cette riche province.
Cette circulation d’armes en toute impunité a fait de la province occidentale du Cap « la capitale du crime » où même les enfants risquent leur vie en jouant dans un parc ou en allant faire des courses. Des avocats qui prennent la défenses des victimes sont régulièrement assassinés et le Lieutenant-Colonel Charl Kinnear qui voulait faire le ménage dans la police a été assassiné en septembre 2020.
La démarche de Gun Free South Africa d’avoir un recours collectif pour demander des comptes à la police est une de ces multiples actions de la société civile qui croit encore pouvoir éviter le désastre à leur pays.
Sources The Enforcers, Inside Cape Town’s Deadly Nightclub Battles Caryn Dolley Editions Jonathan Ball 2019
To the wolves How traitor Cops crafted South Africa’s Underworld Caryn Dolley Editions Mawerick 2021)
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