Liliesleaf Farm, la ferme de Rivonia où furent arrêtés les dirigeants de l’ANC et du CPSA un lieu qui marqua à jamais l’histoire de l’Afrique du Sud, et en perdition faute de moyens financiers pour faire fonctionner ce qui est devenu un musée privé. Bref rappel de l’histoire de ce lieu mythique avant qu’il tombe en ruine et dans l’oubli.
Si le procès de Rivonia est bien connu, l’histoire du lieu où les principaux accusés furent arrêtés, l’est moins. La ferme située à une vingtaine de kilomètres de Pretoria appartenait à Arthur Goldreich , un architecte connu, membre du parti communiste qui y vivait avec sa femme Hazel et leurs deux fils Nicholas et Paul. La famille s’installa à la ferme en décembre 1961, au moment où l’ANC déclara qu’il allait répondre à la violence par la violence en passant à lutte armée
L’idée était que la ferme serve de quartier général aux dirigeants du mouvement armé, Umkhontho weSizwe, qui réunissait des responsables du CPAS, interdit depuis 1950 par la loi contre le communisme, et de l’ANC. Nelson Mandela, alors militant clandestin sous le nom de “David Motsamayi’, était le jardinier au service de la famille Goldreich. Nicholas et Paul Goldreich se rappellent encore comment « David » leur a appris à jouer au football, au lancer de couteaux et à identifier serpents et insectes. Les deux frères, seuls survivants des anciens occupants de la ferme, sont aujourd’hui convaincus que la descente de police était inéluctable étant donnée « la naïveté » des occupants qui ne prenaient pas les mesures de sécurité nécessaires à la situation. « Comment ont-ils pu s’imaginer que personne ne les verrait et les entendrait ? Je n’arrive pas à l’imaginer » précise Paul qui raconte aussi que ses copains venaient jouer dans une maison où Blancs et Noirs discutaient ensemble librement et s’empressaient d’aller le raconter à leurs parents.
Le 11 juillet 1963, la police fit une descente et procéda à l’arrestation des principaux accusés du procès de Rivonia, et aussi de Arthur Goldreich, Moosa Moolla,Harold Wolpe et Abddulhay Jassat qui réussirent une évasion rocambolesque de la prison de Marshall Square où ils avaient été incarcérés, et à quitter le pays. Nelson Mandela était déjà en prison, arrêté le 5 août 1962 après avoir fait un bilan de son voyage clandestin à l’étranger au Président de l’Anc, le chef Albert Luthuli. Accusé d’avoir quitté le pays sans autorisation et d’avoir été à l’initiative d’une grève, il fut condamné à 5 ans de prison. Il devint l’accusé n°1 du procès de Rivonia.
La ferme fut achetée peu après le célèbre procès par la famille Schreider qui en fit une maison d’hôtes. En 2001, Nicholas Wolpe, le fils d’Harold Wolpe, réunit les anciens prisonniers de Rivonia et proposa d’acheter le site et de créer un musée dont il serait le conservateur. Sous sa direction, le musée organisa des expositions, des conférences avec les derniers accusés du procès de Rivonia encore en vie Denis Goldberg et Andrew Mlangeni et devint un lieu très visité. Liliesleaf Farm fut déclarée National Heritage Site en 2016 et obtint le statut d’Heritage du projet mondial de la Route de Libération.
Mais au mois de septembre 2021, Wolpe annonça la fermeture du musée due à des problèmes financiers avec la chute de la vente des billets à cause de la pandémie du Covid, et mettant en cause le manque de soutien du Ministre de la Culture. La réponse fut immédiate et le ministère mit en cause la gestion du conservateur qui n’avait pas respecté le protocole d’accord qui stipulait que les subventions gouvernementales soient utilisées à l’entretien du bâtiment et pas à des initiatives culturelles.
L’actuel conseil d’administration de LiliesLeaf Trust n’a plus confiance dans la gestion de Nicholas Walpole et un audit est en cours. Une équipe a été nommée par le Ministre de la Culture pour faire de LiliesLeaf Farm une institution culturelle qui serait gérée par son administration. Cette proposition fait grincer des dents car le risque est de voir l’ANC revendiquer cet héritage alors que l’histoire de LiliesLeaf Farm fait partie de l’histoire de l’Afrique du Sud. Themba Wakashe, membre du conseil d’administration et ancien directeur général au ministère des arts et de la culture a déclaré « non pas en tant que membre du conseil d’administration, mais en tant que Sud-Africain, je pense que nous, Sud-Africains, avons l’obligation d’être sensible à ce concept de réconciliation, de nation-arc-en-ciel, de construction de notre nation et nous devons concevoir notre héritage commun dans cet état d’esprit ». Pour le moment, l’avenir de cet héritage national est en suspens.
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