Faut-il sortir l’assassin de Chris Hani de prison ?

Janusz Walus a été condamné la prison à vie pour le meurtre de Chris Hani, dirigeant de l’Anc et du Parti communiste d’Afrique du Sud, le 10 avril 1993. Après près de trente ans d’emprisonnement, il demande une liberté conditionnelle devant la Cour constitutionnelle. Son cas pose des questions éthiques et politiques. Peut-on invoquer Ubuntu pour celui qui a failli déclencher une guerre civile ?

La nouvelle de l’assassinat de Chris Hani avait pétrifié d’horreur l’Afrique du Sud puis déclenché des réactions violentes dans la jeunesse des townships. Alors que les négociations entre le régime d’apartheid et l’Anc et ses alliés menaçaient à tout moment de capoter à cause du climat de violence qui ravageait le pays, il a fallu toute la force et le charisme de Nelson Mandela pour éviter le bain de sang.

Chris Hani, responsable de l’Anc, du Sacp et MK, l’aile armée du mouvement de libération, était celui dont on disait qu’il succéderait à Mandela. Les deux assassins, Janusz Walus, un homme d’origine polonaise connu pour ses affinités avec l’extrême-droite et Clive Derby-Lewis, député du Parti conservateur connu pour son racisme virulent, furent arrêtés, jugés et condamnés, d’abord à la peine de mort, peine commuée en prison à vie, la peine de mort ayant été abolie en juin 1995.

Clive Derby-Lewis avait plusieurs fois demandé un allégement de peine pour des raisons de santé ; elle lui avait été refusée jusqu’en 2015 quand il était de prison pour soigner un cancer dont il mourra en 2016. Janusz Walus avait fait aussi cette demande qui a toujours été rejetée. Il vient de la renouveler devant la Cour Constitutionnelle qui doit prendre une décision.

Son avocat a fait valoir que son client avait plusieurs fois fait des excuses à la veuve et aux enfants de Chris Hani ainsi qu’au Sacp, fermement opposés à toute remise de peine. Il a aussi été un prisonnier sans histoire et lui refuser cette clémence serait particulièrement cruel et contraire à ubuntu, cette philosophie qui voit ce qui est humain dans le pire des criminels. Il a aussi rappelé que Eugene de Koch, chef des escadrons de la mort avait été libéré en 2015 au bout de 20 ans de prison, comme Ferdi Barnard, un tueur à gages en 2019. Mais la libération éventuelle de Walus soulève des problèmes d’ordre politique. Si l’actuel ministre de la Justice, Ronald Lamola, accorde une remise de peine, il restera dans l’histoire celui qui a fait sortir de prison l’assassin de Chris Hani.

L’avocat de la famille et du Sacp avance l’argument qu’il ne s’agit pas seulement du meurtre d’un homme mais du « meurtre d’un pays » et du « meurtre du rêve d’une société démocratique ». Si le but ultime de Walus qui était d’éliminer tous les opposants à l’apartheid, ajoute l’avocat « nous ici dans cette pièce nous serions tous morts ».

Ce crime planifié de sang-froid voulait mettre fin aux processus des négociations de la manière la plus brutale, faire dérailler un processus démocratique fragile quitte à plonger le pays dans un bain de sang. Quelque soit la décision de la Cour constitutionnelle, elle ne sera pas sans impact sur l’opinion publique sud-africaine parce que la justice des hommes a souvent bien du mal à guérir les blessures des vivants.

 

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