Ce sont toujours les plus pauvres qui paient le prix fort d’une pandémie. C’est un truisme que de le dire, bien que nombreux titres de journaux semblent le découvrir. Pour l’Afrique australe, le risque de la contamination par le virus risque d’être surpassé par la faim. Du Zimbabwe au Swaziland, comme en Afrique du Sud, il faudra aussi compter les morts de faim.
On a spéculé sur la jeunesse de sa population, sur sa résilience aux épidémies : Ebola, choléra, sida, pour laisser espérer que la Covid 19 ferait moins de dégâts en Afrique que dans nos pays riches, pris de court par un virus qui comme le furet passe par-ci, passe par-là, frappe et refrappe. Aurait-on oublié que les gens mangent même en temps de pandémie ?
Dans ces pays où l’économie dite informelle, les petits boulots au jour le jour, la vente à la sauvette, font manger un grand nombre de gens, le confinement a coupé les vivres à des millions de personnes. En Afrique du Sud, selon les statistiques, il y aurait 3 millions de ces travailleurs sans contrat, sans aucune garantie. Travailler est pour eux une question de survie. Les gardiens de parkings, les domestiques, les jardiniers, les femmes de ménages dans les hôpitaux sont sur la ligne de front sans protection avec le risque d’être contaminés sur leurs lieux de travail et de ramener le virus là ou ils vivent, dans les bidonvilles aux baraques en tôle sans eau et sans sanitaires.
Au Swaziland ou eSwatini, la pandémie gagne du terrain jour après jour. Sur 1,3millions d’habitants, le 8 juillet on comptait 18 morts du Covid 19, et sur 3306 tests, 10% étaient positifs, mais les chiffres sont peu fiables. Le gouvernement a décidé de ne plus accorder d’aide alimentaire aux plus de 60 ans qui n’ont pas à leur charge des petits-enfants ou autres membres de la famille au prétexte qu’ils reçoivent déjà une pension ! Dans un premier temps de la pandémie, une aide alimentaire avait été prévue pour 300 000 personnes, mais l’aide n’aurait été distribuée qu’à un bénéficiaire sur quatre. Le manque de moyens de base dans les hôpitaux pour accueillir les malades est flagrant et faute de médicaments adéquats, on continue à administrer ceux qui sont réserve, même si leur efficacité contre la Covid 19 n’est pas prouvée. Des équipement sophistiqués achetés à l’étranger sont inutilisables parce que leur mode d’emploi est écrit dans une langue que le personnel ne comprend pas et qu’il pas jamais était consulté sur le bien fondé de ces achats coûteux. Ce qui n’empêche pas l’Union européenne de faire un chèque de 2.4 million euros au Swaziland (eSwatini) où la corruption est un secret de polichinelle… www.swazimedia.blogspot.com
Dès l’annonce du plan d’urgence sanitaire en Afrique du Sud, la fermeture des écoles a privé du seul repas de la journée neuf millions d’élèves. Des associations, dont Section 27 (en référence aux droits humains constitutionnels) et Equal Education Law Centre ont porté l’affaire devant la justice et le 12 juin le juge a estimé que « la faim n’est pas une question de charité, mais une question de justice » et rendu son jugement le 17 juillet en donnant l’ordre au ministère de l’éducation de respecter la Constitution en rétablissant le Programme et en déclarant « La moralité d’une société se mesure à la façon dont elle traite ses enfants. L’interprétation des droits humains constitutionnels qui mettent en avant la dignité humaine, l’égalité et la justice ne peuvent accepter qu’un enfant meurt de faim ». La juge a donc demandé au Ministère de l’éducation de rétablir le Programme national de nutrition scolaire en servant un repas par jour à tous les élèves qui y ont droit, qu’ils soient en classe ou confinés chez eux à cause de la pandémie. Toutefois la controverse sur la réouverture ou non des classes continue à agiter l’opinion publique. www.dailymaverick.co.za
La justice a aussi décidé la relaxe de neuf ramasseurs de métaux qui avaient enfreint le confinement pour aller ramasser des matériaux recyclables dont la collecte journalière est leur seul revenu. Arrêtés en avril, ils ont été libérés le 8 juillet. L’un d’entre eux malade du sida et atteint de tuberculose n’avait pas reçu ses médicaments tout au long de sa détention. L’association Lawyers for Human Rights qui a assuré leur défense dénonce l’attitude de la police qui s’acharne sur des délits mineurs. Un homme a été traîné nu hors de sa cabane parce que des policiers l’avaient vu une canette de bière à la main, la consommation d’alcool est interdite dans les lieux publics mais pas chez soi. Les images de cet acte cruel et dégradant s’ajoutent à celles du meurtre par l’armée de Collins Khosa pour n’avoir pas respecté les consignes du confinement et d’autres victimes de la violence policière ou militaire. Violences qui ne sont pas sans rappeler la violence des forces de l’apartheid et inquiétantes pour la démocratie constitutionnelle de l’Afrique du Sud.
Aux victimes de la pandémie qui n’a pas encore atteint son pic au cœur de l’hiver austral, il faudra bien ajouter celles de la faim et la pauvreté.
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