Leur rôle décisif dans la chute du régime d’apartheid a été minoré, effacé parfois. Dans Femmes d’Afrique du Sud, Jacqueline Dérens, militante anti-apartheid et spécialiste de l’ANC, retrace les longs combats des femmes sud-africaines pour l’égalité, leurs succès, leurs échecs et les nouvelles batailles à mener dans une société aujourd’hui ravagée par la violence.
Qui connaît aujourd’hui Albertina Sisulu, Ruth First, Lilian Ngoyi, Helen Joseph, Emma Mashinini et tant d’autres figures qui n’ont pas seulement porté et organisé les revendications d’une population noire écrasée ? Elles ont dès les années 1940, au sein des syndicats et surtout de l’ANC, bataillé pour que les femmes soient représentées, accèdent aux responsabilités, dirigent.
Dans une société patriarcale parfois fortement conservatrice, elles ont imposé ce principe simple : la révolution contre l’apartheid ne pouvait se faire si n’étaient pas menés simultanément le combat pour l’égalité homme-femme et la lutte pour leur émancipation et de nouveaux droits.
Plongeant dans l’histoire, l’auteure s’attarde sur l’une des journées légendaires de l’Afrique du Sud, celle du 9 août 1956. Ce jour-là, vingt mille femmes noires, indiennes, métisses, se rassemblent devant le siège du gouvernement blanc de Pretoria pour protester contre le système de pass, un laissez-passer qui permettait de limiter et contrôler les déplacements des femmes en territoire blanc. Jamais vue, une telle manifestation fut un choc. Le pouvoir raciste ne céda pas, mais, deux ans plus tard, l’ANC « décida de faire de l’année 1959 l’année de lutte contre les pass pour rendre hommage au courage des femmes, avec le slogan “Louons les femmes !” », note l’auteure.
En 2014, les femmes représentaient 42,8 % des élus ; le président de l’Assemblée nationale a toujours été une femme depuis 1994. En 1996, une loi très libérale sur l’avortement est adoptée, une « commission pour l’égalité des genres » est mise en place, d’autres textes importants sont adoptés « sur les violences domestiques, le droit coutumier relatif au mariage et la protection des enfants ».
En 2009, l’arrivée au pouvoir de Jacob Zuma, polygame revendiqué, accusé de viol – il sera finalement acquitté –, vient symboliser combien ces succès sont pourtant fragiles et masquent mal la réalité de ce qu’est la société sud-africaine : les femmes noires restent massivement exclues, surexploitées. « Plus de vingt ans après l’arrivée au pouvoir de l’ANC, le contrat est loin d’être rempli », écrit Jacqueline Dérens, « la grande majorité des femmes noires ont été oubliées de la démocratie, elles demeurent au bas de l’échelle sociale sans grand espoir d’une vie plus belle. Les domestiques, les ouvrières agricoles, les vendeuses à la sauvette forment les cohortes de travailleuses pauvres. »
Elles sont surtout les premières victimes d’un effarant niveau de violence qui fracture aujourd’hui la société sud-africaine et constitue l’un de ses principaux défis. Les viols et violences ont atteint des « niveaux proches de ceux d’une zone de guerre ». C’est la formule utilisée par le ministre de la police pour décrire ce que les femmes ont aujourd’hui à subir. Trois femmes meurent chaque jour sous les coups de leur conjoint, notaient récemment des études nationales
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