Nelson Mandela aurait eu cent ans ce 18 juillet 2018. Son pays, ce fameux pays arc-en-ciel, s’apprête a commémoré dignement le héros national et à Londres et Amsterdam, pays où les mouvements anti apartheid étaient particulièrement forts, deux expositions vont retracer sa vie et la lutte de son peuple contre l’infamie. A Paris, rien. Un oubli sans doute…
Nelson Mandela a été accueilli comme chef d’état par son homologue français le Président Jacques Chirac, le 14 juillet 1996 ; une réception à la mairie de Paris, dont le maire était alors Jean Tiberi, avait ouvert son salon d’honneur pour rendre hommage au premier président noir d’Afrique du Sud. Mais ce que l’on sait moins, c’est que Nelson Mandela avait demandé de pouvoir rendre hommage à sa compatriote Dulcie September, assassinée à Paris le 29 mars 1988. A sa demande, il s’était rendu à Arcueil, petite ville de la banlieue parisienne qui avait accueilli à bras ouverts la responsable de l’ANC, de son arrivée à Paris à sa mort tragique.
Pour avoir été présente à cette cérémonie à Arcueil, avoir pu écouter son discours simple et émouvant pour évoquer la lutte de son peuple et ses femmes et hommes ayant sacrifié leur vie à une cause juste, je suis attristée de voir combien l’oubli a englouti les pages les plus glorieuses de l’histoire récente. Sans la victoire du peuple sud-africain pour mettre un terme au système de l’apartheid, le 20ème siècle serait une suite de guerres, de massacres, de génocides. Au moment où l’Afrique du Sud tournait définitivement la page de son passé d’ignominie, en avril 1994, au Rwanda des milliers d’hommes, de femmes, d’enfants étaient massacrés.
La mémoire de Nelson Mandela est honorée par des festivités diverses dans son pays. Barack Obama fera un discours très attendu, une nouvelle statue sera dévoilée dans la ville du Cap, la ville d’où Mandela et ses compagnons ont embarqué pour le bagne de Robben Island et où il a prononcé son premier discours d’homme libre au balcon de l’hôtel de ville.
De multiples articles louent l’humanité du personnage, sans cacher ses défauts, car Nelson Mandela n’était, comme il l’a dit lui-même, ni un saint, ni un prophète. D’aucuns parlent de son entêtement, de ses emportements, de ses moments de tristesse, mais tous vantent son courage, sa gentillesse, son élan vers les autres quand il serrait une main ou embrassait un enfant comme pour rattraper les années de prison, loin de la vie et du monde, et par-dessus tout sa capacité au pardon.
Il est aussi courant de lire que les erreurs commises pendant la période des négociations seraient du à un trop grand esprit ce conciliation de son équipe et de lui-même et que ces erreurs auraient sérieusement rogner les espoirs « d’une vie meilleure pour tous ». C’est oublier le contexte de la période 1990-1994 : une violence décuplée et attisée par le Parti National toujours au pouvoir ; l’ANC en position de faiblesse ; le contexte international défavorable ; les pressions des milieux d’affaires.
Si l’Afrique du Sud est aujourd’hui le pays le plus inégalitaire du monde, les hommes politiques qui ont succédé à Mandela n’y sont pas pour rien : enrichissement personnel éhonté (les chats gras !) ; népotisme et corruption à tous les étages du pouvoir pendant les années Zuma. La corruption pratiquée à grande échelle sous l’apartheid pour contourner les sanctions (voir mon blog sur le livre de Hennie van Vuuren : Apartheid, guns and money) est une pratique qui n’a pas disparue, et les corrupteurs sont toujours les mêmes : les multinationales, les grands groupes privés, les marchands d’armes. Thalès et sa filiale sud-africaine sont impliqués dans le scandale de la vente d’armes et matériel militaire à l’Afrique du Sud, scandale qui vaut à Jacob Zuma sa comparution devant les tribunaux. Est ce pour cela et parce que les assassins de Dulcie September courent toujours, que ce soir, la Tour Eiffel ne sera pas illuminée aux couleurs de l’Afrique du Sud ?
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