Bo-Kaap, quartier historique du Cap, menacé par la frénésie immobilière

Les maisons colorées du quartier de BoKaap font partie de la ville du Cap, comme la Montagne de la Table qui la surplombe. Les habitants sont aujourd’hui menacés de perdre leurs maisons par la spéculation immobilière qui voudrait en faire un quartier de luxe. Ce n’est pas du tout au goût des habitants qui veulent garder leurs maisons et leur mode de vie.

Au nom de la « rénovation urbaine » la municipalité du Cap augmenté les taxes foncières au-delà de ce que peuvent payer les habitants modestes de ce quartier. Arrivent alors, les spéculateurs prêts à payer deux ou trois fois le prix d’une maison, pour le moment sans grand succès tant est fort l’attachement des habitants à leur quartiers. « Je suis né dans Lion Street. Nous sommes comme une famille dans cette rue. Ma tante vivait à côté de chez nous, mon oncle aussi. Je ne partirai jamais parce qu’ici tout le monde se connait, c’est une endroit sûr. Si j’ai un malaise dans la rue, ils sauront où j’habite et qui contacter » explique Faiza, une habitante de 68 ans. Une autre, veuve et âgée de 76 ans qui touche chaque mois une pension de 1600 rands( environ 110 euros), n’a pas les moyens d’entretenir la maison dont elle a héritée de son père, mais elle refuse catégoriquement les propositions d’achat qui lui sont faites.

C’est que pour les habitants de ce quartier musulman où les mosquées appellent à la prière chaque jour, Bo-Kaap est une partie de l’histoire de l’Afrique du Sud, connu aussi sous le nom de quartier malais, c’est un des plus anciens de la ville du Cap. Bo-Kaap a été construit pendant la colonisation hollandaise entre 1790 et 1825. Les colons préféraient alors importer des esclaves venus de leurs colonies d’Indonésie plutôt que d’utiliser la main d’œuvre locale. A l’abolition de l’esclavage en 1834, les esclaves libérés sont venus vivre avec les ouvriers et artisans « malais » , créant un quartier populaire où les mosquées côtoient les maisons de style Cape Dutch ou celles, construites plus tard de style Cape Georgian, inspiré par les colons britanniques. La religion, mais aussi le style de vie, la cuisine font de ce quartier un des plus connus de la ville du Cap.

Pour les habitants vendre leurs maisons où la plupart sont nés, après leurs parents et grand—parents, serait comme vendre leur âme au dieu de l’argent. Osman Shaboodie, président de l’Association civique des habitants de Bo-Kaap résume ainsi le dilemme « La valeur du marché est une fausse formule qui n’est pas dans l’intérêt des pauvres. La vraie valeur et la valeur du marché sont des choses complètement différentes. Les ventes sont stimulées par une stratégie de marketing qui insiste sur le côté pittoresque et historique de Bo-Kaap avec ses rues pavées et ses maisons de style hollandais. On ne dit rien de la façon dont s’est construite la communauté, ni sur le bruit et l’espace limité ».

La ville du Cap propose des réductions sur les taxes foncières aux habitants les plus pauvres, mais il faut faire des démarches longues, remplir des formulaires qui parfois se perdent dans le dédale de l’administration municipale, mais elle cherche surtout à montrer les avantages d’une vente qui peut rapporter gros. Une manœuvre qui a jusqu’ici peu d’effets et a plutôt réussi à rapprocher les générations.

Les jeunes de Bo-Kaap ont rejoint l’Association civique des résidents pour défendre leur quartier et leur culture : « notre culture est vendue dans des magazines pour touristes, mais en réalité nos maisons sont vendus à des étrangers qui la méprisent ». Les jeunes mettent en cause la mauvaise foi de la municipalité qui prêtant consulter les habitants alors qu’elle propose de cocher des réponses à des questionnaires piégés d’avance. Les jeunes reprennent à leur compte des slogans du temps de la lutte contre l’apartheid « quand l’injustice devient la loi ; la résistance devient un devoir » et disent comme ceux de District6, de Sophiatown, il y a bien longtemps « We shall not be moved ».

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