Dès l’annonce de la victoire de Cyril Ramaphosa à la tête de l’ANC, de nombreux commentateurs n’ont pas hésité a parlé de « calice empoisonné » ou « d’équilibre sur une corde raide » pour exprimer la dureté de la tâche qui attend celui qui succède à Jacob Zuma à la tête d’un parti largement discrédité dans l’opinion publique sud-africaine.
La nouvelle direction de l’ANC reflète parfaitement la division du parti : trois élus pro Zuma et deux autour de Cyril Ramaphosa. Le secrétaire général Ace Magashule est notoirement connu pour ses liens avec la famille Gupta et l’arnaque à la création d’une laiterie qui n’a jamais produit ni crème, ni beurre, mais à ruiner des petits fermiers qui croyaient au miracle. David Mabuza, le vice-président est un habile renard politicien qui avait choisi de ne faire campagne ni pour l’un ou l’autre des candidats à la présidence, préférant choisir un candidat « pour l’unité », une façon habile de ne pas prendre parti et de se poser en arbitre entre les deux factions. Jessie Duarte, la seule femme ayant un poste de dirigeant, est une proche de Jacob Zuma et ses liens avec la famille Gupta sont connus. Dans ces conditions, comment gérer le départ de Jacob Zuma, que tout le monde souhaite, mais toujours remis à plus tard avec des arguties sur le modus operandi : destitution ? départ volontaire ? motion de défiance au parlement ? Départ avec un pactole pour une retraite dorée ? Ce départ est un des éléments de la grande campagne de nettoyage contre la corruption que veut entreprendre le nouveau patron de l’ANC.
Le grand nettoyage que tout le monde attend devrait être accompagné de solutions pour des problèmes de fond qui n’ont jamais été résolus depuis l’arrivée au pouvoir de l’ANC et qui ont alimenté la montée du populisme avec une rhétorique révolutionnaire : restitution des terres sans compensation et haro sur le capitalisme blanc. Sachant que Cyril Ramaphosa est un des nouveaux capitalistes noirs qui ont largement profité de la discrimination positive (Black Economic Empowerment), on peut se demander quelle marge de manœuvre, il aura pour répondre à ces deux questions. Déjà il a annoncé et redit dans son discours du 8 janvier, jour anniversaire de la création de l’ANC en 1912, que la restitution des terres sans compensation doit garantir la sécurité alimentaire et se faire sans violence, et il a promis la transformation radicale de l’économie, dont personne ne sait en quoi cela consiste exactement. Il a pris soin de s’adresser à tous, des chefs coutumiers au monde des affaires, en assurant que l’ANC était le parti de tous les Sud-Africains.
Après un discours courtois et consensuel, il lui faudra faire un habile dosage pour satisfaire ceux qui n’ont rien et demandent leur part du gâteau et ceux qui ont tout et veulent le garder. Entre populisme et réalisme il lui faudra choisir en évitant les écueils qui ne vont pas manquer de surgir sur sa route. Le soutien inconditionnel des alliés traditionnels de l’ANC, parti communiste et syndicats, ne sont plus de mise. SACP et Cosatu sont les plus virulents à dénoncer la corruption et à demander le départ de Jacob Zuma. Ce n’est toutefois pas suffisant pour les rallier au nouveau patron de l’ANC, échaudés par leur soutien à Jacob Zuma contre Thabo Mbeki.
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