Le scandale de la gestion du paiement des aides sociales par le ministère des Affaires sociales d’Afrique du Sud montre comment il est facile de tirer profit de la misère des plus pauvres en leur vendant des produits qu’ils n’ont jamais demandé.
La saga du paiement des aides sociales versées à 17 millions de personnes est une histoire à rebondissement avec tous les ingrédients d’une bonne embrouille juridico-étatique. La responsabilité de cette énorme gabegie revient à la Sassa (Agence nationale pour la sécurité sociale) et au ministère du Développement social qui avaient confié à une entreprise privée américaine Cash Paymaster Services(CPS) le soin de payer ces aides.
En 2014, la cession de ce droit à CPS avait été jugée illégale par la Cour constitutionnelle qui avait découvert des irrégularités dans l’attribution de ce marché public à une entreprise privée. La cour constitutionnelle avait donné comme date butoir le 1er avril 2017 à Sassa et au ministère pour trouver une autre solution. Cette solution n’est toujours pas trouvée en dépit des pressions du ministère des finances pour mettre fin au contrat avec CPS et trouver un système de paiement conforme à la loi.
Si le contrat avec CPS prend fin le1er avril qui va distribuer les 10 millions de rands alloués chaque mois par le Trésor pour l’aide sociale ? Le Ministre des Finances a suggéré que les banques ou la Poste soient autorisées à payer cette allocation aux bénéficiaires. La ministre du développement social a fait valoir que ces propositions « n’avaient pas été bien pensées » et a proposé de faire un nouveau contrat avec CPS.
Dans un pays où la corruption fait florès, la ministre Bathabile est obnubilée à l’idée des fraudes possibles et veut un système de contrôle sans faille. Zéro fraude dans un pays où le Président a été pris la main dans le sac du Trésor public ferait rire, s’il ne s’agissait pas du paiement d’une aide qui permet à des mères sans ressources de nourrir leurs enfants, à des personnes âgées de payer le loyer ou diverses factures, à des invalides de survivre. Il faut toujours se méfier des pauvres, personne n’est plus malin pour toucher l’aide de la grande tante passée de vie à trépas ou d’ajouter quelques enfants donnant droit à une aide supplémentaire. CPS , une entreprise américaine, avait tout le matériel requis pour fabriquer des cartes électroniques biométriques, le top de la technologie anti-fraude et c’est pourquoi CPS avait remporté le marché.
Mais une carte biométrique présente bien d’autres avantages que la lutte contre les fraudeurs. Des experts, des associations, dont Black Sash , une organisation de femmes blanches qui a lutté contre l’apartheid et continue apporter son aide aux plus démunis, des experts a révélé que CPS et la nébuleuse financière qui l’entoure ont imaginé un système qui leur permet de tirer profit de la distribution des aides sociales.
NET 1, la filiale banciare de CPS, a crée tout une gamme de produits financiers, MoneyLine pour les prêts, EsayPay Everywhere pour les cartes bancaires, Manje Mobile pour les téléphones portables et l’electricité, pour s’adresser directement aux bénéficiaires de l’aide sociale. On estime que la distribution de l’aide sociale payée par le trésor public sud-africain a généré en 2016, 420 millions de dollars de bénéfice. Bénéfice réalisé sur le dos des plus pauvres des pauvres d’Afrique du Sud.
Des journalistes ont enquêté auprès des bénéficiaires et ils rapportent des histoires pathétiques de pauvres pris au piège de la sprirale infernale de la pauvreté et de l’endettement. Ground Up, un journal en ligne, rapporte l’histoire d’une jeune mère de famille à qui il ne restait que 26 centimes de rand à toucher une fois les déductions diverses faites sur les 350 rands d’allocations pour sa fille. Comme l’agent payeur n’avait pas de monnaie , elle est partie sans un sou ! Elle a résumé la situation en ces termes « Vous voyez avec leurs histoires de déductions, il nous volent et après nous devons les implorer pour qu’ils nous prêtent de l’argent ».
CPS détient toutes les données personnelles concernant les bénéficiaires de l’aide sociale et ses agents ont pour mission de les convaincre de recevoir « des offres commerciales » pour contracter un emprunt, pour payer la facture du téléphone, de l’électricité , etc … Tout cela se fait par SMS ou appel téléphonique et si la personne contactée donne son accord , c’est un jeu d’enfant de récupérer toutes ses données personnelles pour prélever les factures et déduire les montants de l’aide sociale. Les personnes interrogées ne se souviennent plus avoir donné leur accord ou bien elles ont donné leur accord pour la période d’essai gratuite qui est reconduite sans qu’on leur demande leur consentement. Toutes ces pratiques sont bien sûr interdites mais CPS nie tout en bloc.
Sommée de s’expliquer, la ministre continue à affirmer que les aides seront versées au 1er avril, tout en n’ayant pas la moindre idée de savoir par qui et comment. Ses services n’ont pas réussi à fournir des explications claires et convaincantes à la Cour constitutionnelle, mais Sassa, l’Agence de la Sécurité sociale sud-africaine qui dépend du ministère du Développement social a reconnue qu’elle savait depuis un an qu’elle ne pourrait pas payer les aides qund le contrat avec CPS arriverait à expiration.
Les parlementaires, les associations, et les alliés de l’Anc crient au scandale. Le Cosatu a exprimé sa colère devant la gestion calamiteuse du ministère et montre que le recours à des entreprises privées pour gérer ce qui devrait revenir au service public est la porte ouverte au clientélisme, à la corruption, et au népotisme.
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