La haine de l’Autre : la xénophobie en Afrique du Sud

Les dernières violences contre les étrangers dans les townships autour de la capitale sud-africaine sont des signaux d’une dérive dangereuse de la démocratie durement acquise en Afrique du Sud. Des voix s’élèvent pour rappeler que les droits humains sont les mêmes pour tous.

Thabo Mbeki, l’ancien président d’Afrique du Sud, qui vient d’être nommé chancelier de l’Université d’Afrique du Sud (UNISA) a dénoncé les récents actes de violences contre les immigrants dans les townships autour de Pretoria et rappelé que la victoire sur l’apartheid est aussi le résultat de la solidarité des autres pays.

Les pays voisins de « la ligne de front », Angola, Botswana, Lesotho, Mozambique, Tanzanie, Zambie, et Zimbabwe, ont payé au prix fort, destruction massive des infrastructures et incursions de l’armée sud-africaine sur leurs territoires, leur solidarité avec les militants sud-africains.

« En tant que Sud-Africains, nous ne devons jamais oublier les énormes sacrifices accomplis par nos frères et sœurs africains pour nous aider à gagner notre libération. Nous ne pouvons pas aujourd’hui, alors qu’ils résident dans notre pays, les considérer comme des ennemis ou des hôtes indésirables. Nous ne pouvons pas non plus, considérer les migrants Africains dans notre pays comme des criminels ».

L’ancien président a aussi mis ses compatriotes en garde contre la tentation de rendre justice eux–mêmes et a disqualifié cette « justice immédiate » pour la résolution des graves problèmes que traverse le pays . « Nous savons tous que notre pays est confronté à de nombreux problèmes socio-économiques comme la pauvreté et le chômage. Aucun de ces problèmes ne sera résolu en attaquant nos compatriotes africains. Ceux qui organisent et participent à ces attaques, qui doivent cesser, doivent savoir qu’il n’y a absolument rien de révolutionnaire, de progressiste, de patriotique, d’acceptable ou de service rendu dans ces actes qui ne sont rien d’autres que des actes criminels ».

Raymond Suttner, vétéran de la lutte anti–apartheid et professeur émérite d’Unisa rappelle les principes fondamentaux de la lutte contre le système d’apartheid : « …une des raisons fondamentales de s’opposer à l’apartheid était le rejet d’un système qui faisaient souffrir les autres êtres humains. C’était aussi l’affirmation de la valeur de toute humanité. La lutte de libération rejoignait celles qui luttaient pour la liberté dans le monde entier, qui revendiquaient l’intégrité et le bien-être de tous les êtres humains, pas seulement pour les seuls Sud-africains ».

Le droit d’être traités avec dignité est un droit universel, c’est pourquoi il critique le Président Zuma et les membres du gouvernement qui rejettent le terme « xénophobie » préférant utilisé le terme de « criminel » pour qualifier les actes de violence commis contre les migrants étrangers. Ces actes commis contre des étrangers sont certes criminels, mais ils visent une catégorie bien spécifique de personnes et de communautés étrangères et doivent être désignés pour ce qu’ils sont : des actes criminels xénophobes. De plus cette violence ne touche pas les étrangers riches qui vivent dans les quartiers chics, mais les plus démunis qui vivent avec les plus démunis de la société sud-africaine, les habitants des township frappés par la pauvreté et le chômage.

Il fait aussi remarquer que ces actes xénophobes ne sont pas uniquement le fait de gens frustres, exaspérés par leur propre misère. Le venin est lentement distillé par ceux que Raymond Suttner désignent comme« les architectes qui utilisent un langage plus raffiné et ne se servent pas de machettes », autrement dit ceux qui manipulent les frustrations bien réelles des pauvres. Ces maux qui devraient trouver remède auprès du gouvernement et certainement pas mis sur le dos des migrants étrangers. « Aujourd’hui en Afrique du Sud, les lignes entre ce qui est bien et mal deviennent de plus en plus floues » conclut Raymond Suttner.

Sans faire de comparaison hâtive avec la jeune démocratie sud-africaine et ce qui se passe chez nous ou dans d’autres vieilles démocraties européennes, on ne peut que constater que les mêmes maux, pauvreté, chômage, malaise social, perte de confiance dans nos élites politiques et intellectuelles aboutissent aussi à la mise à mort du bouc émissaire, l’Autre, toujours responsable de notre propre désarroi.

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