Tshwane : luttes de factions, corruption et colère des habitants ont embrassé la ville

Des manifestations violentes ont embrasé les townships autour de la capitale sud-africaine, Tshwane, à la suite de la nomination de la candidate de l’Anc, Thoko Didiza, au poste de maire pour les élections du 3 août 2016. Ces violences ont leur origine dans les luttes de factions, le clientélisme et la corruption qui rongent les affaires locales et la lassitude des habitants pauvres des townships.

Les élus locaux sont en première ligne pour rendre des comptes sur le mandat que les électeurs leur ont confiés en leur accordant leur bulletin de vote. Quand ce mandat n’a pas été bien rempli, les électeurs peuvent exprimer leur mécontentement en choisissant un autre candidat lors des futures élections.

Mais ce jeu démocratique est largement vicié par le clientélisme et la corruption qui provoquent des réactions violentes de la part de ceux qui n’ont pas droit à cette manne. Tshwane, la capitale politique du pays est une municipalité riche qui brasse beaucoup d’argent. La frustration des habitants des townships qui entourent Tshwane a trouvé dans la nomination par la direction de l’Anc d’une candidate, une raison suffisante pour se livrer aux pillages des magasins et incendier des bus et des bâtiments publics. Cette explosion est l’aboutissement d’une rancœur profonde à l’encontre des promesses non tenues.

Trios personnes au moins ont été tuées par balles, la police a procédé à 54 arrestations dans les townships d’Atteridgeville, Mamelodi, Hercules, Mobopane et assure que des enquêtes vont être menées pour trouver ceux qui ont incité à cette violence et les faire comparaitre devant la justice, tout en veillant à rétablir l’ordre dans les quartiers ravagés par cette vague de violence.

Dès que la nomination de Thoko Didiza comme candidate de l’Anc au poste de maire de la capitale, en remplacement de l’actuel maire, a été connu, des membres de l’Anc ont appelé à la révolte. Des rumeurs parlent même d’un complot organisé pour mettre le chaos dans les townships. L’Anc a aussitôt envoyé des poids lourds de l’organisation pour écouter les doléances des militants qui contestent cette nomination. Leurs appels au calme et à un comportement raisonnable et non pas « de voyous » a eu du mal à surmonter le slogan martelé et répété des mécontents « no Sputa, no vote » c’est a dire le refus de voter pour un autre candidat que leur favori, le maire sortant Kgosientso « Sputa » Ramokgopa.

Pourquoi Thoko Didiza –a-t-elle suscité une réaction aussi violente ? Née à Durban, âgée de 51 ans, Thoko Didiza a fait partie de l’équipe gouvernementale de Thabo Mbeki, mais quand celui-ci a été mis en minorité et a remis son mandat de président en 2008, elle est restée fidèle à l’Anc. Nommée au Comité national exécutif, elle a la réputation de se tenir en dehors de toutes les factions. L’Anc avait pensé qu’elle pouvait devenir présidente du groupe parlementaire ou même présidente de l’assemblée nationale. Elue locale de l’Anc dans la circonscription de Tshwane, elle apparaissait comme la candidate idéale pour remettre de l’ordre dans les rangs agités de l’Anc de la province du Gauteng, la dernière a avoir accepté les excuses de Jacob Zuma pour le scandale de Nkandla.

Les divisions au sein de l’Anc de la province du Gauteng sont bien connues et les meurtres de dirigeants en sont la preuve la plus évidente. Dès 2014, les dissensions entre le maire et son adjoint sont apparues au grand jour, ainsi que des désaccords profonds entre les alliés de l’Anc : le Sacp et le Cosatu qui sont très critiques envers le maire Ramokgopa. « Nous devons être très clairs et directs en ce qui concerne l’alliance. Il n’y a pas d’alliance à Tshwane » déclarait au mois de mai dernier le secrétaire adjoint du parti communiste pour Tshwane. Des marches avaient été organisées pour protester contre la gestion du maire actuel, le clientélisme et la mise à l’écart des partenaires de l’Anc. http://www.dailymaverick.co.za/arti...

Cette situation qui a sérieusement dégénéré au fil des mois risque de faire perdre la municipalité à l’Anc, l’opposition, Alliance Démocratique et Combattants de la liberté économique, étant en embuscade et surfant sur toutes les erreurs et maladresses d’élus locaux souvent incompétents et corrompus. C’est pour tenter d’éviter que la municipalité de Tshwane échappe à l’Anc à l’issue du scrutin d’août 2016 que la direction a joué la carte d’une personnalité extérieure qui pourrait dénouer la crise à ces querelles. Ce fut une erreur. Dès l’annonce du nom de la candidate, les violences ont éclaté laissant libre cours aux insultes les plus graves à son encontre et envers l’arrogance de la direction qui ne tient pas compte de la volonté des administrés.

Dans un communiqué, le Cosatu exprime clairement que la situation estexplosive : « l’Anc doit agir d’une manière décisive pour en finir avec la désunion, le factionnalisme, et l’indiscipline qui règne à Tshwane. La situation est intenable et insoutenable pour l’Anc et la direction doit, d’une manière déterminée, calmer le jeu et mettre fin à une situation qui se détériore. Nous n’avons pas les moyens d’accepter une situation où la corruption et l’impunité font la loi ». Le Cosatu demande une enquête pour faire la clarté sur les rumeurs concernant l’implication des dirigeants locaux de l’Anc et des « tenderpreneurs » (les entreprises qui bénéficient des largesses des élus locaux) dans l’organisation de la violence, et leur arrestation s’ils sont découverts. Même son de cloche pour le Sacp qui rejette les affirmations que ces actes de violence soient spontanés « Nous savons bien que la ville de Tshwane est affligée par des actes violents, des intimidations et des menaces, nous maintenons qu’il ne s’agit en aucune façon d’une éruption de violence soudaine ».

Les deux alliés de l’Anc, tout en dénonçant la situation, ont promis de contribuer loyalement à la campagne électorale pour assurer la victoire de l’Anc. Mais n est-il pas trop tard pour convaincre les électeurs de voter Anc ? Une jeune habitante d’Atteridgeville, qui a vu et vécu les actes de violence dans son quartier résume bien les sentiments des électeurs à quelques semaines du scrutin « Je pense que l’affaire du maire a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. L’Anc a oublié ses promesses de respecter les processus démocratiques, d’améliorer les conditions de vie et de travail de la majorité. Nous attendons toujours qu’il s’en rappelle ».

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