Afrique du Sud : les étudiants sur le devant de la scène

Les étudiants multiplient leurs actions pour une université ouverte à tous : les étudiants de l’université de Witwatersrand viennent d’obtenir, après deux semaines de mobilisation, la suspension d’une augmentation de 10,5% des frais universitaires. Le mouvement s’est étendu à d’autres universités et les étudiants remettent au goût du jour les questions fondamentales posées pour une transformation véritable de leur pays.

Après la spectaculaire campagne menée par les étudiants de l’Université du Cap pour faire disparaître la statue de Cecil Rhodes (voir mon blog : La statue qui pue), symbole honni du colonialisme, celle des étudiants de Stellenbosh pour une réelle ouverture à tous les étudiants, les étudiants de Witwatersrand manifestent contre l’augmentation des frais universitaires pour la prochaine rentrée.

L’agitation a gagné d’autres universités du pays où les manifestations ont remplacé les cours. Après l’université de Witwatersrand, l’université du Cap, Rhodes University, Fort Hare University et l’université de Pretoria sont en ébullition. Blade Nzimande, le ministre de l’enseignement supérieur a beau dire qu’il ne s’agit pas d’une « crise à l’échelon nationale », la situation n’en reste pas moins sérieuse.

La promesse d’une éducation gratuite reste une promesse à tous les niveaux. Les parents doivent payer des frais de scolarité dès l’école primaire. Ces frais sont adaptés à la situation locale : les écoles rurales et celles des bidonvilles demandent peu, mais elles offrent peu, pas même des toilettes dignes de ce nom. Les parents ayant les moyens de payer plus, envoient leurs enfants dans des écoles privées, riches et prospères qui offrent pelouses parfaites, installations sportives pour les futurs champions, laboratoires et bibliothèques bien équipées et professeurs bien formés. Le creuset où se fabrique dès la plus tendre enfance, une société caractérisée par des inégalités remarquables.

Les universités fixent elles même les tarifs des frais de scolarité. Les dotations de l’état sont tout à fait insuffisantes pour assurer le bon fonctionnement et la direction de l’université n’a pas d’autres choix que de faire payer les étudiants. C’est l’argument avancé par le chancelier de l’université de Witwatersrand pour justifier l’augmentation de 10,5% et qui écrit dans le quotidien City Press : « Nous sommes pris en tenaille. Les universités n’ont pas d’autres choix que d’augmenter les frais universitaires pour offrir une éducation de qualité ». Quand les dotations de l’état sont en dessous du niveau de l’inflation, c’est le moyen d’équilibrer les comptes.

Mais les étudiants ne font pas ce calcul, ce qu’ils veulent c’est avoir une éducation de qualité sans payer plus. Et ils sont prêts à rappeler à leurs aînés quelques vérités contenues dans la Charte des libertés dont on vient de célébrer les 60 ans. « L’éducation doit être obligatoire, gratuite, universelle pour tous les enfants ; l’enseignement supérieur et la formation doivent être ouvertes à tous par des dotations de l’état et des bourses accordées sur la base du mérite ».

Cette profession de foi, reprise dans tous les discours officiels, tarde à se mettre en place. La conférence de l’ANC à Polokwane en 2007 avait fait de la gratuité de l’école une de ses priorités. Sept ans après, en marge du Conseil national de l’Anc, Naledi Pandor, ministre des Sciences et Technologies, admet être préoccupée par la situation et reconnaît : « nous ne respectons pas encore fidèlement la résolution de Polokwane sur l’exclusion financière » et le Conseil national a décidé d’activer la mise en place de la gratuité.

Devant la réalité des frais de scolarité toujours plus chers, les étudiants qui arrivent à entrer à l’université après beaucoup de sacrifices et des conditions d’études difficiles, perdent patience. Pour eux, l’entrée à l’université au lieu d’être la porte ouverte sur le savoir et l’accès à des professions choisies, est souvent un nouveau chemin de croix.

Le mouvement étudiant met le gouvernement au pied du mur : s’il veut que plus de jeunes entrent à l’université, que des jeunes mieux formés entrent sur le marché du travail, un défi pour un pays où la sous qualification de la main d’œuvre est un casse-tête pour les entreprises les plus innovantes, il faut qu’il en assume le coût.

A quelques mois de la rentrée universitaire, il y a urgence à trouver des solutions qui assurent la qualité de l’enseignement et la stabilité financière des universités. Mais où trouver l’argent, alors que la croissance stagne et que le gouvernement est à la peine pour assurer l’équilibre budgétaire ? Les étudiants en élargissant leur mouvement de protestation veulent obtenir des réponses rapides.

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