Les grèves longues et souvent violentes se répètent depuis des mois dans des secteurs clés de l’économie sud-africaine : les mines et la métallurgie. Elles sont les révélateurs de la plus flagrante des contradictions d’une démocratie chèrement gagnée : les inégalités se creusent et les salaires des travailleurs non qualifiés ou semi qualifiés restent des salaires de survie.
Le Numsa, syndicat des métallurgistes est en grève depuis le début du mois de juillet et il demandait une augmentation de salaires de 15%, une allocation logement et l’interdiction totale du recours au travail intérimaire. Les dernières propositions patronales sont de 10% d’augmentation de salaires pour une période de trois ans.
Mais cette offre est assortie d’une exigence qui a toutes les chances d’être rejetée par les 220 000 adhérents qui seront consultés : le patronat exige une clause qui interdise les grèves pendant les trois ans de validité de l’accord. Autrement dit, peu importe les conditions économiques réelles, les travailleurs seront liés par cette offre de 10% pendant trois ans et ne pourront pas faire grève.
Pour Irvin Jim, le secrétaire du Numsa cette exigence est « une attaque frontale » contre les syndicats qui seront muselés par cette « clause de paix sociale » et qui ne pourront qu’accepter la politique patronale. Avec une certaine ironie Irvin Jim propose que si « les patrons insistent, nous ne négocierons pas tous les trois ans, mais tous les six mois ».
La demande pour des salaires plus élevés a soulevé une polémique entre économistes. Mike Shüssler dénonce les demandes de hausses de salaire au prétexte que des salaires plus élevés augmenteraient les inégalités. Il ne faudrait pas combler les énormes disparités de salaires en Afrique du Sud parce que les salaires élevés freinent la création d’emploi et donc au final les grévistes qui demandent des augmentations seraient responsables du chômage.
L’économiste a reçu une volé de bois vert de la part de nombreux confrères qui lui reprochent d’utiliser des statistiques et des comparaisons qui ne sont pas recevables dans le contexte sud-africain.
La grande majorité des Sud-africains qui ont un emploi gagnent juste assez pour se nourrir et nourrir au moins une dizaine de personnes autour d’eux. Le salaire permet de sortir de l’extrême pauvreté et ajouté à des aides sociales, il permet de maintenir une certaine cohérence sociale dans les communautés de mineurs par exemple. A Marikana, non seulement les mineurs n’arrivaient plus à joindre les deux bouts, mais les petits commerçants fermaient leurs portes les uns après les autres, les services, dispensaires, ecoles fermaient, la communauté était livrée au bon vouloir du crédit accordé par les "requins" de l’usure pour survivre.
Si le salaire ne permet plus d’assumer les dépenses de base d’une famille élargie à cause de l’inflation ou de l’augmentation des prix, la revendication la plus évidente est de demander une augmentation pour que le salaire permette de vivre. Un salaire pour vivre, « a living wage » est au cœur des luttes syndicales actuelles.
Quand les mineurs de platine demandaient le doublement de leurs salaires, c’est tout simplement que 6000 rands par mois ne permettaient plus de mettre sur la table de quoi nourrir correctement la famille, de payer les transports et les frais de scolarité des enfants. Aucun économiste ne pourra convaincre un ventre affamé de se taire et comparer ce qui n’est pas comparable, comme la Norvège et l’Afrique du Sud, rend l’argument irrecevable.
L’économiste Gilad Isaacs réfute toute la démonstration savante de son collègue Shüssler dans un article du Daily Maverick et le met au défi de convaincre les grévistes qui demandent une augmentation de salaire dans un pays où 10% des plus riches s’accaparent 58% du revenu national.
L’Afrique du Sud traverse une période difficile car les salariés et les chômeurs ne voient pas le bout du tunnel et le potentiel de confiance dans l’Anc s’érode au fil du temps. Les inégalités et la pauvreté sont les moteurs des turbulences sociales, économiques et politiques qui agitent le pays.
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