Anc : paysage électoral avec nuages

A moins de deux mois des élections, l’Anc voit les nuages s’accumuler au-dessus de sa tête. Le rapport Nklanda n’est pas le seul motif d’inquiétude pour le parti au pouvoir, la détérioration du climat social, la lutte de factions au sein de la Cosatu , la montée d’un populisme qui joue avec la déception des laissés pour compte, vont peser dans le choix des électeurs. Mais l’absence d’une opposition crédible donnera certainement encore une fois la victoire à l’Anc.

Le rapport de la médiatrice de la République qui confirme que la rénovation de la résidence du Président Zuma a été faite en violation du code de conduite que l’on pouvait attendre d’un gouvernement, jette le discrédit sur l’Anc et ses dirigeants. Même si le rapport ménage le Président et si pour le dédouaner, son gouvernement va faire tomber quelques têtes, la confiance envers ce gouvernement est fortement ébranlée.

Ce rapport s’ajoute à la longue liste des scandales pour corruption qui ont émaillé la présidence de Jacob Zuma. Des ministres, des responsables de la police, des hauts fonctionnaires ont comparu devant la justice pour diverses malversations. Du Guptagate, où une base aérienne militaire a servi à accueillir les invités du somptueux mariage de la fille du richissime homme d’affaires Gupta, à la disparition des manuels scolaires dans la province du Limpopo, les scandales ont choqué l’opinion publique sud-africaine.

Les conditions de vie des plus pauvres, ceux qui s’entassent dans les bidonvilles en périphérie des townships, provoquent des bouffées de colère violentes que la police ne parvient à étouffer qu’en faisant usage de ses armes. Même si le gouvernement peut avancer un bilan qui est loin d’être négligeable en construction de logements, d’adductions d’eau ou de connections au réseau électrique, ce bilan n’arrive pas à faire oublier que 20 ans après la victoire de l’Anc au suffrage universel, les plus pauvres n’ont toujours pas accès aux besoins fondamentaux qui sont garantis dans la constitution : emploi, éducation, santé.

La centrale syndicale Cosatu est déstabilisée par des luttes internes qui se sont approfondies depuis le massacre de Marikana qui a vu la suprématie du NUM, le puissant syndicat des mineurs, contestée par un nouveau syndicat Amcu. L’ombre des morts de Marikana, tués par la police, plane toujours sur le carreau des mines de platine où les conflits persistent. Le rapport de la Commission Farlam qui doit faire la lumière sur ce drame, après des reports multiples, est attendu dans les semaines qui viennent.

La décision du Numsa, le syndicat des métallurgistes, de ne pas faire campagne pour l’Anc aux prochaines élections, suivie par neuf autres syndicats montre à quel point la fracture est profonde. Le Numsa a pour objectif de construire, avec d’autres forces, un nouveau parti à la gauche de l’Anc, un parti qui pourrait être la véritable opposition à la politique néo–libérale menée par le parti au pouvoir depuis 1999.

La fronde de la Ligue de la jeunesse de l’Anc qui a abouti à l’exclusion de son chef de file Julius Malema des rangs de l’Anc et la fondation d’un nouveau parti Economic Freedom Fighters, EFF, est une menace pour les élections du 7 mai. Il est facile à Julius Malema de surfer sur le mécontentement et de promettre nationalisations des mines, appropriation des terres sans compensation, sans avoir le moindre programme économique cohérent. Dans le contexte actuel, cette surenchère verbale pourrait payer et gagner sur la frange des déçus de l’Anc, jeunes et pauvres et si les bérets rouges du EFF franchissent la barre des 5% des suffrages exprimés, le parti pourra entrer au Parlement.

L’Anc a plus à craindre de cette fronde au sein de ses alliés et de ces propres forces que des partis d’opposition. Seule l’Alliance démocratique est un adversaire sérieux surtout dans la province du Cap occidental que le parti d’Helen Zille dirige. L’Alliance démocratique en dépit de ses efforts pour élargir sa base vers la population métisse et noire reste encore le parti des Blancs. Le Cope, formé par des dissidents l’Anc, a bien du mal à trouver son électorat et les partis de droite ou les partis chrétien–démocrates restent des partis avec une audience réduite.

Selon l’analyse du Professeur Richard Pithouse de l’Université de Rhodes, publiée dans The South African Civil Society Information Service (SACSIS) les élites profitent encore de l’idée largement répandue que « tant que les richesses et le pouvoir sont aux mains des Blancs, l’accumulation des richesses et du pouvoir dans les mains d’une élite nationaliste noire présente un aspect progressiste. Mais cette élite noire fonctionne aussi pour reproduire et légitimer l’exploitation, l’exclusion et la répression. Marikana et Nklanda, ces deux événements, d’une manière différente, marquent l’effondrement de la capacité de l’élite nationaliste noire à prétendre que cette accumulation se fait pour l’intérêt populaire ».

Pour la première fois ceux qui n’ont pas connu l’apartheid vont aller voter et nul ne peut savoir quel sera leur choix. Nelson Mandela reste toutefois pour tous les Sud-africains celui qui a ouvert la voie à une nouvelle Afrique du Sud et a fait d’eux des citoyens libres, ce qui assure une majorité quasi certaine à l’Anc en 2014. De quelle ampleur sera cette victoire, comment elle sera gérée par l’Anc et ses alliés, tout cela reste encore du domaine des spéculations.

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