9 Août : journée nationale des femmes d’Afrique du Sud

Pour rendre hommage à celles, qui le 9 août 1956 ont marché sur les bâtiments gouvernementaux à Pretoria pour déposer des milliers pétitions collectés dans tout le pays pour demander l’abolition des « pass » pour les femmes, cette journée est devenue journée nationale des femmes en Afrique du Sud. Commémorations, discours vont se succéder tout le long du mois. La place des femmes dans la vie politique sud-africaine est remarquable, mais elle ne suffit pas à effacer les vieux relents de patriarcat et machisme toujours trop présents.

Le scandale qui éclabousse le secrétaire général du Cosatu, Zwelinzima Vavi est le dernier en date de ces scandales dont les médias sont friands. Tout le monde connaît l’histoire : une employée accuse le secrétaire général du Cosatu de l’avoir violée dans son bureau. L’homme reconnait une liaison extra-maritale avec cette femme, mais affirme ne pas l’avoir violée. La femme exige de l’argent pour se taire et puis déballe tout au grand jour. Le syndicat décide une réunion pour juger l’affaire, la femme retire sa plainte quelques heures avant. Qui a fait pression sur qui pour dévoiler, puis étouffer l’affaire ?

La liste est longue des hommes de pouvoir qui ont terni leur image par des relations que notre morale condamne : Clinton, Zuma, DSK, pour citer les derniers scandales. Mais qui sommes-nous pour juger ce qui est bien et ce qui est mal ? La vraie question est d’essayer de savoir pourquoi le pouvoir donne le droit à ceux qui le détiennent de commettre des actes que la morale condamne. Le sexe serait-il la faiblesse des puissants ?

Einstein disait qu’il devenait idiot avec le succès et la gloire, des psychiatres parlent d’un syndrome particulier « le trip du pouvoir » qui fait perdre tout sens des convenances, de la morale, de la loi à ceux qui en sont atteints parce qu’ils sont persuadés que le pouvoir leur confère un statut particulier. Soit, mais l’objet et les victimes des ces pulsions débridées sont toujours et encore des femmes.

L’Afrique du Sud connaît un nombre de viols hallucinant, 175 par jour, les femmes sont l’objet permanent de violences domestiques, les viols collectifs, pour « punir » celles qui osent porter la minijupe ou celles qui affichent leurs préférence sexuelles, sont considérés comme « une bonne leçon » pour ces audacieuses qui défient « la tradition ». Une femme doit avoir une attitude modeste et se consacrer à son rôle d’épouse et de mère, c’est la femme qui reste la gardienne des traditions établies par des années de pouvoir masculin.

Les femmes sud-africaines ont mené, et continuer à mener, un combat pour leurs droits bien avant la création de l’Anc ; elle se sont battus contre le régime d’apartheid qui les considérait comme « des appendices inutiles » ; elle se sont battus au sein de l’Anc pour avoir accès aux postes de responsabilité ; elles ont réussi à faire inscrire dans la constitution de leur pays que l’Afrique du Sud est une démocratie unie, non-raciale et non sexiste, des milliers ont donné leur vie dans cette lutte et pourtant elles sont toujours victimes de violence.

Dans le dernier scandale, pouvoir, sexe et argent sont les principaux paramètres de l’affaire et le pion manipulé est encore une fois une femme. Le fait que son nom soit livré en pâture à la presse et que le Cosatu ait tardé à le retirer de son site internet après une demande de l’ONG, Sonke Gender Justice Network, et que la déclaration de Ligue des Femmes de l’Anc qui exprimait son inquiétude sur cette affaire ait été l’objet de sarcasmes et de mépris de la part de syndicalistes, montrent à quel point la victime n’est pas au centre des préoccupations dans cette affaire.

La Ligue des Femmes de l’Anc écrit dans sa déclaration « … nous sommes extrêmement préoccupées par cette affaire qui est un immense pas en arrière dans notre lutte nationale contre l’épidémie de viols dans notre pays et le harcèlement sexuel constant des femmes dans le monde du travail. Cela va donner l’occasion de considérer les femmes qui veulent porter plainte contre un viol ou un harcèlement sexuel au travail avec cynisme et malveillance ».

Cette déclaration qui prenait l’affaire très au sérieux pour la défense des femmes victimes de violences sexuelles a été commentée avec un cynisme rare par le secrétaire du syndicat de la métallurgie, Numsa, qui accuse la Ligue des femmes de ne pas évoquer le fait que Vavi puisse être innocent, de ne pas mentionner qu’il a fait des excuses et qu’enfin La ligue des Femmes soit restée muette quand Zuma a été accusé de viol.

Cette dernière attaque accrédite l’idée que Vavi est victime d’un complot et qu’après les menaces de mort, ses ennemis ont trouvé une arme plus redoutable en lui tendant un piège avec un appât très simple : une femme. Dans un pays puritain, aux fortes traditions religieuses comme l’Afrique du Sud, le sexe est l’arme idéale pour envoyer l’adversaire dans les cordes. Mais dans un pays où les « sugar daddies » s’offrent des jeunes filles avec des petits cadeaux, où la censure voulait interdire un film qui mettait à nu les relations d’un enseignant et sa jeune élève en qualifiant l’œuvre de pornographie, l’idée du complot fait long feu. Il y a bien des luttes de factions et de pouvoir entre l’Anc et ses alliés au pouvoir, mais le fond du problème est bel et bien la question de savoir si les femmes sont des objets que les hommes de pouvoir peuvent utiliser à leur gré, pour satisfaire des pulsions ou pour tramer des complots contre leurs ennemis.

Jessie Duarte, la secrétaire générale adjointe de l’ANC, donne une réponse à cette question : « un homme dans une position de pouvoir a réussi à donner un emploi à une femme, et pour lui il est naturel qu’une relation sexuelle en soit le paiement… Il n’ y a ni victime, ni vainqueur dans cette tragédie. Il y a seulement un homme qui utilise sa position de pouvoir pour forcer une subordonnée à avoir une relation sexuelle et il y a une femme qui a décidé de transformer cet abus de pouvoir en transaction ». Cette affaire n’a donc rien à voir avec un complot mais bien avec des relations de pouvoir totalement inégaux qui aboutissent à l’exploitation totale des plus faibles par les plus forts. Et Jessie Duarte d’exhorter les femmes à refuser de faire de leurs corps un objet à monnayer et de se serrer les coudes pour dénoncer le viol qui est acte criminel.

La question du viol en Afrique du Sud aujourd’hui ne peut pas non plus faire l’impasse sur un passé récent où les stéréotypes étaient la réponse toute trouvée à des actes dérangeants. Le violeur était toujours un homme noir qui violait une femme blanche, crime pour lequel il était le plus souvent pendu, et la femme noire par sa lascivité et sa sexualité débridée était la seule responsable d’un viol qui n’était jamais puni. Un mois consacré aux droits des femmes sera bien court pour aborder le problème du viol dans la société sud-africaine post-apartheid et trouver des solutions à ce fléau.

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