La transition tranquille promise par le Président Motlanthe se met peu à peu en place avec un nouveau gouvernement et des rencontres au sommet entre les partenaires de l’alliance Anc, Sacp et Cosatu. Mais la gestion de la crise n’est pas si simple, les rumeurs, les interrogations , les inquiétudes sur l’avenir du parti au pouvoir font les gros titres la presse sud-africaine.
Après la tourmente des jours passés, le Président Motlanthe a formé son gouvernement en rappelant la plupart des anciens ministres dont le très apprécié Trevor Manuel, ministre des finances en exercice depuis 1996, une longévité rare à ce poste. Il a écarté la ministre la plus controversée, la ministre de la santé, Manto Tshababalala-Msimang, et a nommé Charles Nqakula, ministre de la sécurité, dont les résultats pour combattre la criminalité sont plus que mitigés, en remplacement de Mosiuoa Lekota, au poste de ministre de la défense.
Des postes de vice ministres ne sont pas encore pourvus dans des secteurs sensibles : à l’éducation, aux finances et aux affaires étrangères, ils devraient l’être rapidement. Le fait que la plupart des membres de l’ancienne équipe soient reconduits dans leur poste est rassurant pour beaucoup d’analystes. Le Président Motlanthe a très clairement exprimé sa volonté de préserver ce qui marchait bien . « Dans un monde globalisé qui traverse des turbulences, nous resterons fidèles aux politiques qui ont assuré à l’Afrique du Sud stabilité et croissance. Ce n’est pas mon souhait de dévier de ce qui marche. Ce n’est pas à moi de réinventer des politiques économiques ».
Sur le plan politique, la conférence du Sacp qui vient de se tenir met clairement en avant sa volonté de jouer un rôle de contrôle plus important sur la politique menée par le gouvernement, il va même jusqu’à suggérer « la reconfiguration » de l’alliance. Autrement dit, le SACP ne veut pas mettre tout son poids dans la bataille électorale pour ensuite être mis sur la touche. Il est clair que le soutien qu’il apporte à Jacob Zuma a un prix.
Les rumeurs de la création d’un nouveau parti animé par les supporters de Thabo Mbeki enflent de jour en jour. La polémique qui a suivi la démission de Mbhazima Shilowa, Premier ministre de la région du Gauteng, puis la lettre ouverte adressée à la direction de l’Anc par l’ancien ministre de la défense Mosiuoa Lekota et la réponse au vitriol qui a été faite rendent cette hypothèse de plus en plus crédible.
L’archevêque Desmond Tutu a exprimé sa profonde tristesse devant les divisions de l’Anc dans un entretien accordé au Sunday Times. S’il y avait des élections maintenant, Desmond Tutu affirme qu’il ne voterait pas. Il déplore que 14 ans après la victoire historique sur le régime d’apartheid, l’Afrique du Sud en soit arrivé à ce climat détestable alors que la grande majorité de la population vit encore dans la pauvreté.
Pour Desmond Tutu, Jacob Zuma ne devrait pas briguer la magistrature suprême tant que les soupçons de corruption ne sont pas définitivement éclaircis et seule une commission d’enquête pourra faire toute la clarté sur cette affaire, en n’épargnant aucun des protagonistes. Il n’écarte pas la possibilité de voter pour le nouveau parti, si celui-ci est un vrai parti d’opposition.
L’absence d’un véritable parti d’opposition n’a pas servi l’Anc qui en position d’hégémonie s’est comporté avec arrogance et a étouffé les vrais débats, alors que dans ses propres rangs s’affrontaient des positions politiques diamétralement opposées. D’un côté les partisans d’une certaine « realpolitik » et de l’autre ceux qui sont favorables à des transformations économiques et sociales profondes. Depuis 14 ans, la bataille d’idées, pas seulement de personnalités, fait rage au sein de l’Anc, ce qui fait dire a beaucoup d’analystes que l’éclatement était inévitable.
La création d’un nouveau parti sera-elle la solution pour un vrai débat démocratique qui serait bénéfique au pays ? trop tôt pour le dire, mais le fait que seulement 48, 4 % d’électeurs avaient exprimé leur choix en 2004 révélait déjà une certaine désillusion avec le parti au pouvoir.
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